no sleep club.❞ (jovannah & cattleya)

elle aime les habitués, cattleya, il paraît que c'est son côté malicieux qui la laisse s'amuser de voir les pauvres gens se ruiner la santé et la conscience en venant la voir et en lui tendant leurs verres. mais il faut bien qu'elle vive, la pauvre, qu'elle vive honnêtement et qu'elle s'épanouisse dans ce travail qui lui fait plaisir. oui elle aime ici l'ambiance, la musique, les lumières, préparer les boissons de façon méticuleuse, verser de façon à ne pas renverser la moindre petite goutte, nulle part. les habitués, aussi.

habitué ne serait qu'un euphémisme, s'il fallait décrire ariel. et elle, elle le connaissait depuis qu'elle était adolescente alors vraiment, oui, elle en avait l'habitude. l'habitude de ses yeux tristes, de son air abattu, de ses verres qui s'enchaînaient et de ses commandes répétées à des heures où, elle le savait très bien, il avait à la maison cette enfant issue de son sang qui se complaisait dans son profond sommeil. au fond, cattleya ne savait pas si la pauvre demoiselle avait décidé d'ignorer la situation ou si elle ne voyait rien.

mais elle se dit qu'elle, avec son père, ça ne lui arriverait jamais.

c'est par lui d'ailleurs qu'elle a rencontré le sergent cooper, lui et aussi la jolie rousse qui bientôt prend place à ses côtés. vous savez c'est étrange, on aurait jamais pu faire croire à cattleya qu'elle se retrouverait quelques soirs à attiser les addictions à la boisson de la fibre policière de la ville. comme quoi parfois la réalité était plus absurde encore que les films que le drive-in projetait.

et puisque tout cela est réel, cattleya s'active avec ses grands sourires, à remplir les verres et poser un sachet de cacahuètes salées sur le comptoir. si elle était dans un jeu, elle n'aurait été qu'un simple pnj aux dialogues répétitifs et alors, peut-être se serait-elle simplement fendue de formules de politesse et de phrases programmées dans son cerveau par l'habitude. mais à la place et, oui puisque tout cela est réel, elle se contente de siffloter.

mais elle sait que ses clients ne sont pas dupes par rapport à sa nature, elle sait cela et sait aussi qu'ils savent très bien qu'il est difficile pour elle de refuser une telle offre. alors elle appelle, la demoiselle, son collègue, avec son sourire habituel, pour lui proposer de prendre la relève un temps, d'échanger leurs services à partir de ce moment précis. et évidemment il est d'accord, puisque rien dans les méthodes du succube ne lui laisse le choix.

▬ plus maintenant.

elle répond enfin à la jolie rousse et s'étire de tout son long en prenant place à côté d'elle, commandant une nouvelle tournée pour tout le petit trio. mettant au service de la conversation sa curiosité et ses réflexes de politesse.

▬ par contre vous, vous allez finir par rester ici jusqu'à la fermeture justement, on dirait. dis moi jo, comment vont les affaires, la rentrée ? et toi ariel, comment vont mon père, ta fille ?

et lorsque ses lèvres viennent se poser sur son verre, elle a un sourire plus discret que les autres.

ballottée par le rythme mêlé de la musique et des bruits de verre, cattleya se sentait ici comme chez elle. et évidemment, elle ne peut s'empêcher de glousser de rire lorsque, ignorant sa question sur sa fille après avoir répondu à celle de jovannah, il pointe du doigt ses habitudes de fumeuse et la réticence de monsieur taylor par rapport aux dites habitudes. alors ils parlaient de ce genre de chose au travail, hein ? en dépit d'être relativement proche de son père, la curiosité mordante de la jeune femme la faisait toujours se questionner sur ces petites choses qu'il faisait lorsqu'elle n'était pas là.

la discussion allait en continuant bon train, mais l'hilarité disparut rapidement, lorsque le visage du sergent cooper se referma et qu'il murmura cette phrase, dont vous saviez très bien la signification. un mauvais pressentiment, chez le sergent, se révélait bien souvent être un pressentiment ayant vocation à se réaliser. autrement dit, il ne s'agissait pas vraiment d'impressions parfois maladroites ou de conclusions hâtives, non, chez ariel, les mauvais pressentiments, on avait toutes les raisons du monde de s'en méfier. alors bien sûr, ça met un froid dans la conversation.

jovannah formule la question qui te trotte dans la tête avant même que tu n'aies pu oser la poser et toi tu te contente de rester immobile, à fixer le comptoir sans trop savoir quoi ajouter. la vie était mouvementée parfois et rien dans la configuration doucereuse du vortex ne saurait vous protéger des tempêtes à l'approche.

▬ ça va arriver... bientôt ?

cattleya plisse les yeux, resserrant un peu son verre dans sa main droite. sa posture s'est redressée et elle a l'air un peu tendue, mais elle relâche rapidement la pression lorsqu'elle n'arrive plus à vouloir la supporter. d'un mouvement un peu brusque, la jeune femme repousse son verre en direction de son collègue bien aimé et elle lui décoche un grand sourire, qu'elle oriente ensuite vers les deux adultes à ses côtés. Il n'y a rien de mieux pour tout oublier qu'encore un peu plus d'alcool, non ?

▬ allez, n'y pensons pas... reprenons une tournée, mettons ça sur mon compte. on est là pour se changer les idées pas vrai ?