catch me up // feat. Cordelia

C’était une magnifique journée. Probablement la plus agréable de l’été, et ce n’était pas uniquement dû au soleil et à la température plus qu’excellente pour un pique-nique – Cordelia et Olivia étaient de retour de leurs vacances. Et si tu adorais les jumelles, le retour de l’une d’entre elle en particulier t’emplissait d’une joie incroyable.
Rapide sur les SMS, tu l’avais réservée pour un après-midi pique-nique près de la rivière, comme vous en aviez l’habitude. Pas de casse-tête, juste deux meilleures amies dans le calme de la nature avec quelques gâteaux.

Et pourtant, si les plans semblaient si simples, ton cœur se débattait dans ta poitrine à l’idée de revoir la rousse. C’était uniquement parce que tu t’étais ennuyée, qu’elle t’avait manquée. Parce que tu n’étais pas habituée d’être séparée d’elle trop longtemps – les vacances estivales étaient destinées à te torturer un peu plus chaque année.

Bercée par le vent qui balaie tes longs cheveux d’ébène, tu lances un dernier regard vers ton téléphone – pour voir l’heure mais aussi si la belle t’avait envoyé un message pour annuler, heureusement aucun signe d’elle en ce sens – avant de le déposer plus loin et de t’abandonner face au soleil, les yeux clos, les rayons du soleil caressant ta peau.
Tu crois rêver quand tu entends enfin des pas marquer le sol et il ne t’en faut pas plus pour te redresser d’un trait, le regard fixé sur la rouquine que tu attendais pleine d’espoir.

« Hey Delia. » Le sourire qui s’étire davantage, qui creuse sans compter les joues de poupée. « T’as passé des belles vacances? »

Tu savais que c’était impossible, et pourtant t’étais certaine qu’elle était encore plus belle que la dernière fois. Ça avait quelque chose d’exaltant et de terrifiant de constater comment Cordelia pouvait te mettre dans tous tes états par un simple sourire, comment sa voix faisait naître des milliers de papillons dans ton estomac.
Doucement, elle s’installe près de toi et tu inspires longuement pour chasser toute envie de la prendre dans tes bras, repoussant loin, au plus profond de ton cœur cet amour que tu nourris malgré toi depuis des années.

Malgré tout, tu ne peux retenir ton cœur de s’emballer ou la fébrilité de te gagner, surtout pas lorsqu’elle annonce un cadeau. Touchée qu’elle ait eu une petite pensée pour toi-même à des centaines de kilomètres, tu peux pas retenir un sourire gêné d’étirer tes lèvres à nouveau. « C’était pas nécessaire tu sais… Juste que tu sois revenue c’est déjà un cadeau. »
Les pommettes qui rosissent à la pensée d’en avoir trop dit, tu reportes ton attention sur le petit paquet, curieuse d’en découvrir le contenu. Tes doigts habiles en explorent la surface lisse et légèrement friable, glissant dans une entaille pour libérer son contenu avec toute la douceur dont ton impatience t’avait dotée.
Et un haussement de sourcils bien marqué montre ta surprise face au bijou, qui avait été choisi avec soin par ta meilleure amie sans aucun doute. « Woah. » Tu élèves le regard pour croiser le sien, sincèrement comblée par son cadeau. Elle t’aurait ramené des cailloux que tu aurais fait le même sourire en même temps, juste parce que c’était elle ça prend une toute autre signification. « C’est parfait Delia, merci beaucoup! »
Ta main repousse tes longs cheveux noirs pour dégager ta nuque et mieux y enrouler la chaîne. Tu la remercies d’un câlin et hésites un peu avant de rompre l’étreinte, toujours aussi bien près d’elle. Mais il faut parler de tes vacances inexistantes alors autant le faire avec sérieux. Soupir. « Ça a été, comme d’habitude. Rien de bien palpitant en tout cas, j’ai vu des amis, fait de la moto. » Tu t’esclaffes doucement. « J’vais sûrement me trouver un taff pour m’acheter ma propre moto, je t’amènerai faire un tour si tu veux. »

Tu t’étires pour récupérer ton panier de victuailles et le poser entre vous. « Mais pas aujourd’hui, pour le moment c’est cupcakes maison – la recette de ma mère que tu aimes tant – et bain de soleil. À moins que t’aies une meilleure idée, je suis toujours preneuse. »

T’es rassurée qu’elle veuille bien d’une balade en moto éventuellement. Ça aurait pu l’effrayer, mais non, et ça a quelque chose de très gratifiant de la savoir prête à te suivre dans tes aventures, et même si ça semble normal du fait que c’est ta meilleure amie, tu te plais à y lire davantage qu’une simple confiance amicale.
À ton tour, tu t’empares d’un cupcake en luttant pour ne pas te tourner vers elle et la détailler longuement du regard, voire même effleurer de tes lèvres sa peau délicate pour y goûter le sucre du glaçage qui s’y était probablement niché.

Tu plonges dans ton cupcake pour combattre cette envie de sucre déplacée, abaissant ton regard par la même occasion, légèrement gênée par les pensées qui traversent ton esprit en l’observant manger du coin de l’œil. « Ça me va. Avec la rentrée qui approche c’est peut-être la dernière fois où on va se retrouver ici avant… Longtemps? » Tu engloutis le reste de ton gâteau et retire le sucre sur tes doigts d’un passage rapide de ces derniers entre tes lèvres avant d’en prendre un second. « T’es prête pour la dernière année? Avec les applications de dossiers pour l’université et tout ce qu’il y a à préparer pour les cours, je doute qu’on chôme. » Tu pouffes. Sans être surdouée, tu avais cette facilité à l’école qui te permettait de bien t’en tirer de manière générale sans trop étudier, mais tu avais aussi le don de t’impliquer dans beaucoup trop d’activités parascolaires ou supplémentaires pour te bâtir un dossier qui se démarque des autres. Comme ce rôle de déléguée que tu endosses depuis 2 ans.

« J’espère qu’il y aura pas d’accrochages cette année. Une dernière année avec toi, Oli et Balth, on peut pas gâcher ça. » Tu relèves tes prunelles pétillantes vers elle, guettant sa réponse. Parce que si toi ton avenir semblait tout tracé professionnellement, tu ne pouvais prédire celui qui t’unissait à Cordelia et tu craignais qu’une fois à l’université vous ne vous perdiez. Pour de bon.

Tu perçois son invitation sans oser la saisir, peu portée d’abord à étudier et encore moins à le faire à l’extérieur. Mais pour elle, les choses pourraient être différentes.
Un jour peut-être, mais tu ne pousserais pas pour ne pas lui faire savoir ton empressement à passer chaque seconde avec elle. Tu attendras sagement Eugénie, parce que tu n’as aucune autre option sans dévoiler tes sentiments pour Cordelia.

Et à sa question, tu réponds naturellement. « Oui, toujours. Je prépare déjà ma campagne de déléguée. » Rassurée qu’elle le soit aussi, elle la plus anxieuse de vous deux, tu te penches sur sa seconde suggestion avec un sourire. « Bien sûr ! On sortira Delia, comme d’hab, ça enlève rien au fait que c’est une grosse année. » Tu préfères fixer la rivière pour ne pas te concentrer sur la courbe de ses lèvres, sur cette peau si douce que tu crèves d’envie de caresser. Y laisser parcourir tes doigts, la sentir frémir à ton contact…
Tu inspires longuement pour faire dévier tes pensées.
Les prunelles posées sur sa chevelure rousse, le cœur paniqué par l’écho de sa détresse qui devient rapidement la tienne.

Préoccupée par son bonheur et pourtant si coupable d’en être la cause.
Ce qui pourrait vous arriver? Il y a ces sentiments que tu refoules depuis si longtemps qui, s’ils sont exposés au grand jour, feront en sorte que tu la perdes à jamais.
Parce que l’amitié et l’amour ne peuvent pas cohabiter n’est-ce pas? Tu étais un monstre pour espérer que ta meilleure amie puisse partager un tel amour contre nature et tu t’en voulais toujours autant d’être déviante à ce point.

Le regard légèrement abaissé, tu couves tes doutes sur ses plans sans oser la contredire. « C’est une super idée que t’as là. » Un cupcake terminé, tu as déjà les dents insérées dans le suivant, combattant la culpabilité par la nourriture. Tu allais faire exploser votre petit groupe pour des projets égoïstes que tu nourrissais depuis à peine un an.
La Saskatchewan pendant un semestre pour ton taff de rêve ou 4 ans de doutes entre Cordelia, Balthazar et Olivia? Peut-être était-ce mieux pour toi de partir finalement. Loin de ce désir ardent perturbant. Loin de cet amour condamné.

« Ce serait génial d’habiter tous les quatre ensemble. » Tu te mords l’intérieur des joues, parce que tu aurais surtout souhaité habiter avec elle. Seules.
Un rêve que tu caresses malgré toi depuis trop longtemps.
Sourire contrit dissimulé par tes cheveux et ta tête baissée, tu lâches un rire sec et engloutis le reste de la sucrerie. « On verra bien durant l’année scolaire comment on peut s’organiser. » Passant sous silence le vœu de rejoindre la police de Revelstoke et ses études éloignées.

Inspirant un bon coup, tu chasses ces sombres pensées en te levant, chassant les miettes de gâteau de tes cuisses, et t’éloigne de ta meilleure amie. « Sinon, tant qu’à se goinfrer tu veux aller te baigner? L’eau est fraîche mais avec le soleil ça fait du bien. »