Another one bites the dust ((Balthazar))

J'avais posé mon téléphone le soir précédent, le coeur battant à toute vitesse et plein appréhension. Ca avait l'air sans réelle implication, tant que c'était juste une idée en l'air, tant que c'était que quelques réponses un peu smooth dans un coin de la cour, mais j'avais réalisé que mes actions avaient des conséquences dans la vraie vie quand le rendez-vous avait prit forme écrite. Et ça avait, par la même occasion, réveillé mes angoisses. Etais-ce vraiment raisonnable de continuer à jouer de la sorte avec lui? Je veux dire, il avait littéralement terminé la conversation en m'appelant "bg". Les messages avec Olivia n'avaient absolument rien donné de productif (à quoi est-ce que je m'attendais?) et j'étais là, comme un con, à me demander si je devrais pas me faire porter pâle le lendemain.

Finalement, le lendemain, une fois sorti de la douche et surtout du brouillard du matin, j'avais fini par me dire que c'était pas correcte de me dégonfler le jour-j. Autant être honnête avec lui. Si possible. Séchant mes cheveux encore humide d'un coup de serviette, je choisissais rapidement ma tenue pour me convaincre que je n'y donnais pas d'attention trop particulière. Un simple t-shirt blanc, un bas de jogging, ça ferait l'affaire pour quelques passes.

Pourtant, alors que les cours s'enchaînaient lentement les uns après les autres, je me surprenais à attendre avec impatience la sonnerie pour rejoindre mon camarade au gymnase. Vérifier sous mon bureau s'il m'avait renvoyé un message. Me demander si je devais lui en renvoyer un. C'était étrange. Juste étrange, le plaisir que pouvait procurer ce petit jeu, l'adrénaline qui montait après chaque message, et à l'idée de reprendre la partie après les cours. Et qu'importe à quel point ma conscience me hurlais d'être honnête et d'arrêter de lui laisser imaginer quelque chose qui n'arriverait pas, dans les faits, j'avais trop envie de ce boost de confiance en moi pour ne pas agir de façon égoïste. Et honnêtement, ça me distrayais assez du malaise qui s'était installé avec celle pour qui j'avais, semble-t-il, des sentiments sincères.

Bref passage par le vestiaire, j'enfile mon t-shirt de sport dont l'inscription indique "they're is bravery in being soft", mon pantalon, et gagnais au petit trot la salle de sport. Ayden y était déjà, s'échauffant lentement sur le côté du terrain. Les filets étaient installés, ce qui me surpris quelque peu, mais je ne cherchais pas vraiment à en comprendre la raison. Tant mieux, après, tout.

Hey! Je suis en retard?

Non. Je ne l'étais pas? J'avais vérifié trois ou quatre fois ma montre entre la vestiaire et mon arrivée, mais ça me semblait être un bon carburant pour la conversation. Sourire un peu coincé sur les lèvres, je me dirigeais d'un pas raide vers la réserve avant de rejoindre le brun, un ballon fraîchement récupéré de son bac en main.

Du coup, tu n'as jamais joué, c'est ça? Tu sais faire des passes ou pas du tout?

Faisant machinalement rouler le ballon entre mes doigts, j'essayais d'évaluer le niveau de mon partenaire.

Moi qui cherchais à commencer avec quelque chose d'assez simple, quelque chose auquel il pourrait dire oui, pour ne pas le mettre mal à l'aise, c'était raté. Mlle. Reiss avait raté son enseignement avec quelqu'un, semble-t-il. Enfin, qu'est ce que j'en savais, après tout, il était peut-être dispensé de sport? Blessé au bras? Dans le doute, je préférais m'abstenir d'émettre quelconque jugement. Il semblait déjà se sentir bien assez mal comme ça.

Je passe le ballon sous mon bras, le coince entre ma taille et mon coude, tandis que mon autre main se pose sur son épaule pour le rassurer. Et c'est avec un sourire tendre mais un regard entaché de fierté que je lui donnais quelques mots d'encouragement.

T'en fais pas. Il faut bien commencer quelque part.

J'attrapais la balle entre mes paumes et positionnais avec précaution mes bras légèrement arqués au dessus de ma tête pour procéder à quelques passes à moi-même pour lui montrer le mouvement.

Tu vois, c'est pas très compliqué, tu mes les bras au dessus de ta tête, les mains vers le plafond, et tu te place sous la balle. Plus la balle s'approche, plus tu écartes les doigts pour avoir une bonne prise dessus, et tu tend les coudes. Et ça va tout seul.

Ou c'était comme ça que ça allait après mes plusieurs années en club, en tout cas, de tel sorte que je n'avais pas vraiment besoin de me concentrer pour lui faire la démo tout en expliquant avec occasionnellement un regard dans sa direction.

Une fois ma petite présentation terminée, je me focalisais pleinement sur le jeune homme pour m'assurer de sa compréhension.

Tu veux essayer un peu tout seul avant ou on commence de suite?

Ca ne me dérangeais pas de continuer à lui apprendre. Au contraire... Je devais bien dire que d'une certaine manière, j'avais même un peu envie de le tutoyer un peu plus sérieusement. Pas pour me la péter ou avoir un partie de meilleure qualité dans le sens ou ça ne changerait pas grand-chose, mais pour profiter, peut-être, d'un peu plu de proximité que les quelques mètres qui nous sépareront entre chaque passes.

Les joues un peu rosées par mes intentions, je détournais quelques instant mon visage en direction des gradins vides. C'était pas très réglo de ma part, et j'aimais vraiment pas être cette personne que j'avais l'impression de devenir en compagnie d'Ayden. Égoïste et parfois manipulateur, des comportements que j'essayais pourtant si souvent d'éviter mais qui devenait incontrôlables en présence du jeune homme, alors que je savais pertinemment que les fins pour lesquelles j'agissais de la sorte n'amèneraient absolument rien de bon pour lui, comme pour moi.

Ou je peux juste te lancer les balles si tu préfères, pour que tu ajuste ton tir, c'est comme tu sens.

Il se précipite sur le ballon, agrippe ses doigts contre sa texture lissée pour s'en emparer, et je sens le revêtement de cuir qui me glisse entre les mains. Je ne m'attendais pas à une telle réaction, et je n'ai pas le temps de me défendre à cette prise. Après tout, pourquoi pas? S'il a envie de commencer, je ne vais pas être celui qui l'en empêche.

Avec un sourire bienveillant, j'observe sa silhouette se préparer, se motiver. Il semble tellement déterminé. D'une certaine manière, ça me fait chaud au cœur. Assez, en tout cas, pour déposer un peu de rose sur mes joues. Jusqu'à ce qu'il s'arrête brutalement pour révéler son hésitation sur la manière de s'y prendre. Et sa déclaration me prit par surprise.

Mes traits se figèrent une seconde, révélant mon incompréhension momentanée. Comment ça, il ne savait pas tirer? C'était quelque chose de tellement évident, pourtant. Juste, lancer la balle. N'avait-il jamais joué avec un ballon dans sa vie? Puis, à sa manière de se tenir, muscles tendu et visage embarrassé, je réalisais qu'il était probablement totalement paniqué.

Je ne pu retenir un rire amusé, que j'essayais de contrôler du mieux possible. Mais ça me semblait tellement ridicule. Pas le fait qu'il ne sache pas si prendre, non, mais sa manière de perdre ses moyens pour si peu.

Tu te prends trop la tête, budy. On va faire que quelques passes, pas des services flottant et des smash au filet. Envoie-la bien en l'air, ça fera le travail.

Je mime tout de même le mouvement, pour l'accompagner dans la démarche, décrivant un arc de cercle d'arrière en avant de mon bras droit, un sourire toujours bien visible sur mon visage. Je n'étais pas sûr d'être celui qui le mettait dans cet état, mais si c'était le cas, c'étais plutôt amusant.

J'y pense, tu es dans quelle classe? Parce que j'imagine que tu ne dois pas avoir Mme. Reiss en cours de sport, hein?

J'imaginais la rouquine passer sa main sur son visage, avec une expression désespérée si elle avait à faire au jeune homme dans cet état. C'était une super prof dans tous ses domaines d'enseignement, et je l'adorais sincèrement, mais Ayden aurait probablement écoulé toute sa patience.

Il va lancer, mais ma prise de parole le déconcentre. Soudain redevenu extrêmement hésitant, Ayden m'explique non sans quelques difficulté d'élocution qu'il est en classe littérature. Je me sens un peu mal à l'aise de savoir que la moindre question soit susceptible de le mettre dans un tel état. Je n'ose plus trop lui faire la conversation et commence à me demander si tout cela était une bonne idée. Le pauvre garçon semble aussi frustré que moi, pourtant, au vu de son soupire. Il fait de son mieux, j'imagine, et c'est pas très gentil de ma part de juger ses réactions insuffisante quand il semble tellement évident qu'il fait déjà tant d'efforts.

Spé Littérature, hein? Je suis en 11ème Science Occulte.

Il reprend la parole rapidement, probablement pour meubler un silence que je n'arrive moi-même pas à remplir. Je n'ai pas envie de le casser à nouveau. Mais cette fois, c'est à son tour de me mettre en situation compliquée. Clin d'oeil? Vraiment? Je en sais pas trop comment y réagir, hormis en détournant en regard pour formuler un bref "Merci", les joues rosées.

Enfouissant une main dans mes poches, l'autre derrière mon crâne, je ne sais plus vraiment où me mettre. Vraiment, je ne comprend pas comment il passe d'un extrême à l'autre, et ça me rend un peu confus. C'est normal? Ou est-ce que je me fais encore des idées?

Alors euh... On joue pas du coup? A-au volley.

Je passe rapidement de l'autre côté du filet pour rejoindre le jeune homme et m'empare de la balle avant de m'enfuir de mon côté du terrain rapidement. Tu parles d'une fuite, mais au moins si on a les mains occupées, on sera moins gênés. Et ça vaut pour nous deux, vraiment.

Ca a l'air de te stresser, alors je vais faire le service, ok?

J'avais dit pas de service il y a de cela peut-être trois minutes, mais j'ai besoin de me défouler un peu pour évacuer mes sentiments contradictoires. A trois mètres de la ligne du fond, j'inspire un bon coup, fait le vide dans mon esprit avant de prendre l'élan nécessaire à mon service, lancer la balle en l'air et sauter, aussi haut que possible pour lancer la balle à l'autre bout du terrain d'un coup de paume smashé.

Le service a toujours été un truc qui savait me détendre. La concentration nécessaire avant de se lancer, le court moment de vol pendant le saut, et la satisfaction si plaisante de synchronisation avec le ballon dans les airs... Je ne saurais dire lequel avait le plus grand effet sur mon psyché.

Mais une chose est sûre, c'est que je ne m'étais pas retenu sur celui-ci, et face à un débutant, peut-être que j'aurai dû faire plus attention...

Au bruit que fit le ballon à l'impact, je compris bien rapidement que mon service ne s'était pas passée comme prévu. Bruit étouffé, rebond rapide qui renvoyait la balle dans le filet à toute vitesse. Et je compris immédiatement ce qu'il s'était passé. Mes yeux s'écarquillaient tandis que je sentais une première épaisseur de mon épiderme se liquéfier tant au niveau de mon visage que de mes mains.

A-Ayden, je suis désolé! C-ça va?

Il levais mollement son pouce en ma direction pendant que je passais hâtivement sous le filet pour le rejoindre, paniqué. Il secouait sa tête de droite à gauche, les mains tremblantes. C'était pas le moment pour lui de faire faire des efforts physique.

P-pose ce ballon, viens te reposer un peu.

Préconisais-je en posant ma main sur son épaule pour l'amener vers les gradins. C'était peut-être pas grand-chose, mais je voulais au moins vérifier qu'il n'avait rien à la tête avant qu'on continue, éventuellement. Je l'amenais s'asseoir et prenais place à ses côtés pour observer son visage.

Peut-être étais-je un peu trop proche, et peut-être que c'était une bonne occasion de justifier de ce rapprochement. De poser mes doigts sur son front, entre les mèches qui s'éparpillaient devant ses yeux, et de détailler ses traits, à quelques centimètre de lui.

Hm... Ca a l'air d'être juste gonflé, mais ça risque de faire un bleu si on fait rien rapidement. A-attends ne bouge pas .

Je fis rapidement volte face pour aller m'enfermer dans la réserve. J'y trouvais un torchon propre dans le meuble, utilisé pour faire le ménage dans le gymnase. J'avais tout le matériel nécessaire, et il ne restais qu'à faire un peu de glace. Il me suffisait de soulever un peu mon t-shirt et de me concentrer quelques secondes pour ça, après tout. Pas trop, pour pouvoir continuer à bouger sans gène, mais assez pour couvrir son hématome. En liquéfiant puis gelant de façon uniforme entre mon dos et mes abdos, ça devrait faire le travail. Une fois le glaçon prêt, je me dépêchais de rejoindre Ayden.

Tiens, prend ça. Je l'ai prit dans l'inventaire.

Le mensonge n'était pas mon fort, mais ça semblait assez réaliste. Puis je comptais le divertir un peu plus avec le glaçon... Dégageant à nouveau ses cheveux pour libérer le passage, je me penchais une nouvelle fois sur son visage, avec un air inquiet.

Ca va? C'est pas trop froid? Ca fait pas trop mal? J'appuie trop ou ça va? J'ai pas trop l'habitude de faire ça...

Ce qui, pour le coup, est assez vrai. D'habitude, le moindre petit bobo se règle à coup d'incantation magique, et le problème est réglé. Mes les hoomans ont la vie dur et il n'y a pas grand-chose que je puisse faire de plus pour lui que de sacrifier temporairement un bout de ma personne pour apaiser sa douleur.

Son premier compliment me fait sourire. Ce genre de louange n'étaient pas habituel, pour quelqu'un comme moi. A toujours tout faire de travers, malgré mes efforts pour faire un travail méticuleux. Mes résultats scolaires n'en étaient qu'un exemple parmi tant d'autres, alors entendre ses mots de la bouche étaient particulièrement réconfortant.

Pourtant... Pourtant, je n'étais pas prêt pour le second.

Tu as le physique d'Apollon... MAIS surtout l'intelligence de tous les dieux de l'Olympe, hahaha

En l'espace d'un instant, je sens mes joues passer au rouge, et quelques goûtes commençant à en perler. Ce petit entraînement risquait de devenir plus dangereux que ce qu'il en avait l'air. Cachant mes pertes liquides derrière ma main qui n'était pas occupée à tenir le bloc de glace, j'essayais de reprendre mon calme, tout du moins assez pour arrêter de passer sous phase aqueuse à longueur de temps. Est-ce qu'il s'était tapé trop fort sur la tête? Est-ce qu'il fallait que je l'amène à l'infirmerie? A ce niveau, je ne savais juste plus trop quoi faire, mais la couleur cramoisie de son visage me laissait penser qu'il avait bien conscience de ce qu'il disait. Et si ce n'était pas un hasard, alors... Ca veut dire qu'il fallait que je fasse quelque chose. Quelque chose de sérieux. Aller, c'est le moment de faire semblent de savoir ce qu'on fait. De prétendre être un mec cool. Je peux le faire. C'est tout dans la tête. Juste dans la tête.

A-ahha... Merci.

commençais-je avec encore un peu d'hésitation dans la voix. Le temps de s'habituer, on va dire. C'est bon pour la motivation. Mais je ne peux pas prendre le risque de rester plus hésitant et de me liquéfier devant lui. La catastrophe s'il fallait expliquer ça au coven... "Alors j'ai mis le secret magique en péril parce que ce petit gars avec qui je flirtais m'a fait un compliment de trop haha désolé. Vous pouvez lui effacer la mémoire?" Définitivement pas une option. Fake it till you make it, comme on dit.

Je garde une main sur son front, tandis que celle qui cachais ma gêne il y a de cela quelques secondes vient se poser sur le gradin, près de sa cuisse opposée. Un emplacement qui me force à me pencher un peu plus contre lui, face à face, et surtout assez près de son visage, pour lui dégainer un sourire en coin qui m'est si inhabituel.

Si je suis ton Apollon alors qu'est ce que ça fait de toi, hm? Une de mes muses?

En fait, j'aurai peut-être juste mieux fait de rentrer chez moi. C'était aussi une option, pour éviter de faire plus de merde. Il est où, le Balthazar de ce matin qui se disait qu'il fallait arrêter de jouer avec lui, maintenant? Celui qui était sur le point de lui dire qu'il ne se passerait jamais rien, parce qu'il en aimait une autre? Bonne question... Mais une chose est sûr, c'est que ce n'est pas celui qui était en charge à l'instant présent, il qu'il trouvait beaucoup à reprocher sur mon comportement actuel.

Et il dit oui si facilement, si docilement, avec une nouvelle confiance dans son regard. Une qui ne laissait pas de doute à la sincérité de sa réponse, et qui aurait dû, je pense, renforcer ce rictus sur mes lèvres. Mais alors que je me reprenais à fixer les siennes à mon tours, me demandant si ce n'était pas le moment de sauter le pas, ça me frappa.

Je ne voulais pas être cette personne.

Je voulais pas être le gars qui profite d'un gars innocent pour son plaisir personnel. Le gars qui saute les étapes et qui saute tête baissé dans une situation qu'il regrettera plus tard. Je voulais pas m'engager dans quelque chose avec quelqu'un pour lequel je n'avais pas de réel sentiment, tout en continuant à ignorer ceux qui poussaient pourtant un peu plus chaque jour ailleurs. Être ce connard égoïste qui pense à soit avant ceux qui l'entoure.

J'aurai pu faire mine de me demander si, cette attirance que je ressentais pour Ayden n'était pas elle aussi une forme d'amour. Une qui justifierait mes actions. Après tout, je ne pouvais pas nier que j'avais envie de lui arracher ce baiser. Peut-être même de mélanger ma salive à la sienne en le pressant un peu plus contre les gradins. Mais j'étais bien trop conscient du faussé qui séparait ce que je voulais de lui, une attirance purement physique et probablement un peu débauchée, à la si délicieuse angoisse qui m'emportais dès que mon regard se posait sur Delia depuis quelques mois. A cette fantaisie, bien différente que elle que je ne pourrais jamais avoir à propos du jeune homme, de pouvoir passer le reste de ma vie à ses côtés d'une façon nouvelle que comme nous avions déjà passé notre enfance.

Je voulais être pour elle une source de bonheur et de réconfort, un peu comme ce que j'essayais d'arracher au garçon à mes côté, sans rien lui donner d'équivalent en retour. Et il me semblait que c'était sur un plan plus métaphorique que je voulais lui communiquer mes sentiments. Je voulais être à ses côtés pour la voir grandir, s'épanouir, réussir, être celui sur qui elle puisse compter, celui qui la soutient et qui ne cesserai de l'encourager. Et au fond de moi, je savais qu'en comparaison, je ne voulais être personne dans la vie d'Ayden, alors que j'attendais de lui qu'il soit au moins quelque chose pour moi. Une source d'attention. Une personne qui me regarde avec envie. Quelque chose, il est sûr, que je ne lui rendrais jamais à part égale.

Je pense que j'ai dû te cogner la tête trop fort.

Reprenant ma place à côté de lui, tout à coup avec bien plus de sérieux (et peut-être de frustration) sur mon visage, j'enlevais le bloc de glace de son front pour couper tout contact physique avec le brun avant de me lever abruptement. Je faisais n'importe quoi. Autant en finir avant de m'enfoncer un peu plus dans cette galère.

Je vais remettre le glaçon au frais, et je te déposes à l'infirmerie. On te donnera probablement mieux que ça là-bas.

En jetant un dernier coup d'oeil au jeune homme, je ne m'attendais pas à voir cette expression éteinte dans ses yeux. A voir le reflet de l'éclairage froid du gymnase dans ses larmes. C'était le moment de faire face aux conséquence de mon comportement égoïste. Et je regrettais déjà tellement mon comportement. Le noeud qui avait déjà commencé à me prendre les tripes en réalisant un peu plus tôt que j'avais agis comme un con s'intensifia tout à coup. Je sentais mes muscles se rigidifier par la culpabilité, et ma gorge se resserrer dans la foulée, m'empêchant de prononcer le moindre mot d'excuse. Et alors que j'étais sur le point de me baisser dans la direction du garçon pour tenter un mouvement de réconfort, il me repoussa, assez justement, avant de prendre la fuite.

Fait chier!

J'étais le pire des cons. A toujours vouloir faire la part des choses, prendre "le bon choix" pour la pire raison : calmer ma conscience qui n'avait que trop raison de tirer la sonnette d'alarme depuis le début, alors que je m'entêtais à continuer sur une voix dangereuse. Et je me retrouvais encore à blesser mon entourage avec mes bons sentiments à deux balles.

Je balançais le torchons qui entourait le bloc de glace que je remettais vaguement en place pendant que le reste de mon corps partait déjà à la poursuite du brun. Je ne pouvais pas laisser ma lâcheté prendre le dessus plus longtemps. C'était le moment d'affronter mes erreurs.

J'étais assez rapide pour le rattraper, c'était certain, mais restait à savoir par où il était parti. Avançant au petit trot en appelant son nom, je fini par passer devant ma porte entrouverte du vestiaire. Ayden était là, et j'aurai préféré ne pas le retrouver dans cet état.

Accoudé contre la porte, je n'osais pas passer le seuil. Ne pas lui imposer ma présence, ou tout du moins ma proximité. Je lui devais des explications, aussi douloureux que puisse être l'aveux que je m’apprêtais à lui faire.

Ayden... Je suis désolé.

C'était la moindre des choses à lui dire après avoir agit de la sorte avec lui. C'était normal, qu'il se sente utilisé, manipulé. Parce qu'au fond, c'est exactement ce que j'avais fait.

J'ai merdé... à déjà tellement d'occasion avec toi. J'ai agis comme un con, mais je te jure que ce que je t'ai dit tout à l'heure... je l'ai pas dit pour te blesser, mais pour te protéger.

Ou pour me protéger moi-même? Même dans mes excuses, je n'arrivais plus à savoir si j'étais honnête ou si je jouais encore une comédie dans laquelle je m'attribuais, une fois encore, le rôle du gentil malgré les faits qui s'accumulaient contre moi.

Q-quand on a commencé à discuter hier, et même aujourd'hui pendant l'entrainement... Je vais pas te mentir, tu me plaisais, ok? Y a cette partie de moi qui peut pas s'empêcher de penser que t'as une belle gueule, et un comportement adorable. Parce que je suis un putain d'ado de dix-sept ans qui sait pas se tenir ou parce que je suis peut-être un con aussi, ou les deux vas savoir, j'en sais rien, mais j'avais envie de continuer à flirter avec toi, à entendre tes compliments parce que ça me faisait du bien et parce que c'est tellement agréable d'avoir la sensation d'être aimé, tu vois? J'avais envie de continuer à discuter avec toi au point de t'envoyer un meme pour dire que j'étais trempé alors que j'avais pas prit une putain de goutte de pluie juste parce que ça me permettait de commencer la conversation... Mais je peux pas t'infliger ça, ça serait pas juste pour toi.

Maintenant venait la partie compliquée. La partie ou il fallait que je me confronte à des trucs, et qu'il comprenne pourquoi, malgré tout ce que je venais de reconnaître, il se passerait jamais rien de plus. Celle ou je risquais de le blesser si je ne faisais pas attention, et si je manquais d'honnêteté.

Je suis amoureux de quelqu'un d'autre, Ayden. J'aurai tellement, tellement voulu t'embrasser tout à l'heure. Tellement voulu sentir ta peau se réchauffer sous la mienne, mais c'est pas moi, et ça aurait pas été juste pour toi. Tu mérites pas qu'on joue avec tes sentiments, même si ça aurait peut-être été plus agréable sur l'instant.

Ca n'expliquait que la moitié de mes conneries, pour être honnête. C'était la raison pour laquelle j'avais tout arrêté, mais à aucun moment pourquoi j'avais commencé à agir comme une merde avec lui, et il méritait que je sois à cent pour cent honnête, même si ça risquait de piquer un peu.

Pendant le bal de Mabon, il s'est passé un truc avec la fille que j'aime. Et je sais que c'était pas de son ressort, c'était le phi-- le fils de pute... qui a mit de l'alcool dans la soupe... qui a entraîné ça. Et j'étais blessé dans mon petit égo, quand je suis tombé sur toi. Et tu n'arrêtais pas de me complimenter et de flirter avec moi... J-je dis pas que c'est de ta faute, hein? C'est complètement la mienne. C'est juste que... à ce moment-là, j'ai cru que tu pourrais m'aider à passer outre cette frustration... non... A ce moment-là... j'ai été un gros lâche et j'ai vu une occasion de profiter de ta gentillesse pour apaiser mon égo blessé. Tu méritais pas ça, et je ne sais vraiment pas comment je pourrais me faire pardonné d'avoir agis de la sorte.

C'était un exercice plus difficile que ce à quoi je m'attendais. Faire face à ses tors, en live et à l'oral, face à la personne à qui on a fait du tort. Je me sentais rongé par la culpabilité. Et contrairement à ce que tout le monde semble vouloir nous faire croire, la reconnaître n'aidait en rien à l'atténuation de ce sentiment.

Je ne le dirai jamais assez, mais je suis désolé, Ayden. Vraiment. J'aurai dû être honnête avec toi depuis le début.

Il se lève lentement de son banc, et je vois bien dans son regard que mes mots n'ont pas su lui apporter l'apaisement que j'aurai souhaité. A quoi je m'attendais, aussi? Qu'il se relève tout sourire, en me disant qu'il comprenait et que c'était pas ma faute. Je ravalais ma fierté avec un coup de langue sur mes lèvre, réalisant que les excuses n'était pas tout et qu'à présent, je devais suivre avec des actions pus correctes. Prendre mes distance un moment peut-être. Je veux dire, ça ne pouvait pas être bien compliqué, on se connaissait littéralement depuis deux jour, mais tout était devenu intense si rapidement.

Et pourtant, quand il s'approcha de moi, ce n'était pas pour me jauger avec dédain, pas pour me mettre la claque que je méritais sûrement. Quand il s'arrêta a mon niveau, c'était pour blottir son visage dans mon cou, tombant il me semblait au même endroit que Delia quand elle m'enlaçait de la sorte. Je méritais pas cette attention. Je méritais pas qu'il me réconforte pour mes problèmes après ce que je lui avais fait.

Pourquoi fallait-il qu'il soit si gentil? Ce comportement ne ferrait que l'attirer dans les filets de gens malhonnête qui profiteront de ses qualités, comme je l'avais fait. Et je craignais, d'une certaine façon, de ne pas être la première personne à le faire, comme je pensais que je ne serais pas la dernière. Une pensée qui ne manqua pas de m'attrister pour quelqu'un qui avait tant de choses à offrir.

Je posais mes mains sur ses épaules pour le repousser. C'était ce qu'il y avait de mieux à faire, pour nous deux. Parce que continuer à jouer un jeu malsain après ma déclaration serait tellement hypocrite, tout comme prétendre qu'il ne s'était rien passé.

Tu sais que ça serait plus simple pour nous deux si tu pouvais me détester?

Déclarais-je avec un sourire morose. Peut-être parce que je ne savais juste pas ce que je voulais faire, ni même ce qu'il voulait que je fasse. L'ignorance est parfois si cruelle, même quand elle semble nécessaire. Parallèlement, j'avais vu ce que de faux espoir pouvait infliger aujourd'hui, et je n'étais pas prêt de retomber dans une dynamique similaire. Alors qu'est ce que j'étais censé choisir, maintenant, hein?

Je ne veux pas te blesser, Ayden. Dis-moi juste ce que tu veux de moi.

Il y a quelque chose de terriblement émouvant dans son regard, quand Ayden lève la tête avec ce sourire qui tente de contenir plus de larmes de couler. Quelque chose qui accentue encore la culpabilité qui me ronge l'estomac depuis que nous avons quitté la salle. Et qu'importe à quel point je suis persuadé que l'amitié qu'il me demande n'apportera rien de bon, je sais aussi que je serai incapable de lui refuser cette faveur.

Alors on sera ami.

Etais-ce pire d'accepter par pitié? Ou en étais-ce vraiment? Après tout, il y avait eu ce déclic, à votre rencontre. Un qui aurait pu faire naître une amitié tout ce qu'il y avait de plus saine en moi. Une partie de moi était convaincu qu'il n'était pas trop tard pour ça, ou tout du moins, voulait le croire. Ayden avait l'air d'être un mec bien, même si on ne se connaissait encore qu'assez peu. Une personnalité douce dont j’appréciais la compagnie pour d'autres raison que la tentation de ses lèvres rosées.

Main dans les poches, je n'osais pourtant pas encore tout à fait regarder le brun dans les yeux, et je préférais concentrer mes iris sur mon sac, de l'autre côté de la pièce. C'était un peu gênant, hein? Je veux dire, l'entraînement était définitivement terminé, mais je n'allais pas me changer là, avec ce qu'il s'était passé.

Arrêtons nous là pour aujourd'hui, hein?

Je n'étais pas sûr que l'indice soit suffisant pour lui faire comprendre que j'avais besoin du vestiaire, pour être honnête, mais je ne savais pas vraiment comment le lui faire comprendre sans enfoncer le couteau dans la plaie ou rendre le moment gênant à nouveau. D'un pas hésitant, je m'assis sur l'un des banc du vestiaire, réfléchissant à la manière dont je pouvais formuler la chose sans empirer la situation. Et il me sembla trouver quelque chose d'à peu près convainquant sur le moment.

Je me sens responsable de t'avoir mit dans cet état alors... Si tu me laisse deux minutes pour me changer, je te ramène chez toi, si tu veux?

Mais après que les mots soient sorti de ma bouche, je réalisais que c'était assez audacieux d'assumer qu'il ait envie de me voir plus longtemps ce soir. Et surtout, j'avais l'impression de lui proposer comme je le proposerai à une amie pour qui je m'inquiète de la voir seule dans Revelstoke une fois la nuit tombée.

Comme ça on s'arrêtera au café pour boire un chocolat chaud. Avec la pluie qui arrête pas depuis quelques jour, ça fera du bien...

Complétais-je pour essayer de me convaincre du caractère amical de ma proposition.