you might think it's foolish || olivia & victor

— T’es sûr que c’est la bonne chanson hein ? Nan parce que je l’ai répétée tous les jours chez moi, déjà que Lucian voulait me trucider, si en plus c’était pas le bon titre… Non seulement on aura plus d'autre occasion mais en plus je vais me faire dé-fon-cer. DE-FON-CER, tu m'entends ? chuchotes-tu.

Tes fins doigts maintiennent fermement l’Otamatone pastel tandis que ton dos s’aplatit contre les murs du couloir, un regard interrogateur posé sur la jeune rousse dans l’espoir d’y déceler une réponse rassurante ; et la confirmation se fait entendre, t’arrachant un sourire complice et gonflant ta poitrine d’un sentiment de confiance. Quel soulagement. Toutes ces machinations concertées depuis des semaines aboutiront enfin à la conclusion désirée en ce bel après-midi d’automne ; tous ces efforts, tous ces préparatifs finement échafaudés apporteront enfin leurs fruits, ceux de révéler à la lumière du jour les mystères qui se dissimulent perfidement sous des masques familiers.

— Ok, il est juste là. C'est le grand moment ! Tu guettes discrètement la silhouette du surveillant, abritant ton corps derrière le coin du mur afin de ne pas te faire repérer. J’ai mon portable pour filmer la transformation. Y a personne d’autre, du coup il sera obligé de nous entendre. Tout est ni-ckel ! Ah bien sûr je te laisserai publier la vidéo sur Twitter, c'est toi qui as eu l'idée après tout ça te revient héhé ! déclares-tu, bouillonnant d'impatience.

C’est une magnifique journée qui éclaire doucement les couloirs débarrassés de son agitation et de sa foule en ces heures d’études fastidieuses ; le moment le plus opportun pour aller à la rencontre de ce membre du personnel aux allures suspectes. Oh, oui, les leçons de mathématiques peuvent patienter, les leçons de géographie attendront, car dévoiler l’identité douteuse de cet individu certainement trop massif pour être humain – selon tes dires – garde sa priorité internationale à la suite de l’échec du raid de la Zone 51. Ton pied vient tapoter le sol afin de marquer la mesure d'introduction. C'est parti.

— ALLEZ C'EST LE MOMENT 3, 2, 1 GO ! hurles-tu d'un sourire ardent.

Armé de ton instrument, tu démarres enfin le refrain de You Might Think de The Cars, le son de l’Otamatone et du Ukulele se mêlant l’un à l’autre pour résonner dans les corridors, brisant injustement le doux silence qui y régnait. La mélodie perce l’attention du surveillant. C'est parfait. La cadence s'intensifie, provenant d’un joueur certainement trop motivé, t’imaginant aussi sensationnel que les Sex Bob-omb lors de leurs concerts enflammés. Tes mouvements trop prononcés débordent des murs, détruisant faiblement ton camouflage. Et les notes s’élèvent, puis prononcent leur dernière mesure avant que tu ne sortes hâtivement ton portable, prêt à immortaliser l’instant tant attendu. L'instant de vérité. Le fameux instant qui ancre un sourire plein d'espoir sur ton visage d'enfant. Un instant qui s’annonce finalement aussi décevant que stressant ; un instant qui laisse apparaître une expression davantage affolée, les yeux ronds comme des billes, sentant la sueur perler sur ta nuque à la vue de l'échec cuisant qui menace de se retourner contre vous.

— PUTAIN OLIVIA TU T’ES PLANTEE ! CA A EU AUCUN EFFET C'ETAIT PAS LE BON TITRE ! paniques-tu, le visage à découvert, alors que tu rates ton premier pas de course dans une tentative de fuite.

Oh que si, cela a eu un effet.
Celui d’attirer l’attention du surveillant et de présager de mauvaises conséquences.

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Tu t’élances dans une tentative désespérée de fuir cet échec cuisant qui a détruit vos espoirs en mille morceaux, dans une tentative de fuir pour dissimuler vos précieuses identités aux yeux du malfaiteur – tout espoir n’est pas encore perdu. Ta chaussure usée devient alors ton principal ennemi dans ta quête égoïste, glissant sournoisement sur le sol pour te faire trébucher et chuter à terre. Une petite exclamation de surprise s’échappe de ta gorge au moment de l’impact, peu habitué à manquer d’habilité et d’agilité ; sans plus attendre, tes coudes s’appuient contre le plancher afin de te permettre d’au moins te redresser sur tes genoux, relevant le regard vers les cieux pour affronter la silhouette massive qui se dresse devant toi, mécontente, pour te dérober ton précieux instrument. Sur ton portrait s’inscrit alors une expression scandalisée.

— Mais... Mais ! Rendez-les-nous ! De un, c’est pas à vous, de deux, c’est pas gratuit je vous signale ! t'écris-tu d'une voix puissante.

Et tu subis ces reproches cinglants qui, l’espace d’un instant, te crispent tant elles ressemblent au ton qu’emploie ton jumeau à la suite de tes nombreuses sottises. Oh tu n’es peut-être pas spécialement intelligent, Felix, néanmoins tes aptitudes sociables te permettent de compenser ton manque flagrant de vocabulaire ; tu sais reconnaître une insulte par la tonalité d’une voix ou par la gestuelle. Tes yeux restent ancrés dans le regard sévère du surveillant, refusant de s’en détacher une seule seconde et gardant un air intrigué tandis que tu te remets sur tes deux jambes. Tes lèvres se rapprochent de l’oreille de la jeune rousse, tes iris toujours fixés sur votre cible.

— Dis… Qu’est-ce qu’il entend exactement par « amour propre » ? La seule chose que je sais c’est que c’est toujours le genre d'expression que sortent seulement les méchants dans les fictions. C’est genre, vraiment suspect. chuchotes-tu discrètement.

Un rictus vient fendre ton visage tandis que tes sourcils se froncent légèrement, dévoilant ta détermination soudaine, cette détermination absurde qui vient éclairer tes traits. Tes bras se croisent d’un un geste assuré dans une vaine tentative de paraître imposant face au gigantesque surveillant ; de toute manière, dans les fictions, le héros peut rarement se vanter de bénéficier de la carrure la plus intimidante. Ta langue vient claquer à de nombreuses reprises contre ton palais alors que ta tête pivote largement sur les côtés.

— Ça ne prendra pas M’sieur, arrêtez de nous sermonner – on sait lire entre les lignes : on sait très bien que dans le fond vous êtes déçu que des simples jeunes de notre âge aient percé votre secret ! Le sourire disparaît, les sourcils se fronçant davantage. Par. Contre. C’est pas parce que vous êtes soi-disant un adulte que vous pouvez rabaisser l’intelligence d’Olivia ok ?! Malgré votre dégoût, faut être fair-play et témoigner du respect. Avouez-vous vaincu un point c’est tout ! t'écris-tu à nouveau dans un élan héroïque.

Et tu lèves ton doigt afin de le pointer d’un air aussi menaçant qu’audacieux, d’un signe et d’une volonté inébranlable de suivre le chemin de la justice, celui de protéger cette planète et ses habitants de leur plan secret. Olivia et toi avez accepté – sans l’approbation de personne – de porter sur vos frêles épaules la lourde responsabilité de défendre l’humanité, les sorciers, et toute espèce terrestre. Car les véritables héros sont toujours ceux qui agissent dans l’ombre. Olivia réplique également avec l’intention certainement bienveillante de te soutenir face au redoutable ennemi, toutefois, à l’entente de cette remarque maladroite sur ta petite taille, tes muscles se crispent tous en chœur ; tout son système nerveux reçoit alors cette décharge instantanée comme si elle avait appuyé sur le point le plus sensible qui soit. Durant l’espace d’une demi-seconde, tu demeures figé ; puis tu te retournes dans la direction de la jeune Spellman, et la métamorphose de ton expression faciale peut être qualifiée de sensationnelle.

— Comment ça « tout petit » ?! Non mais genre respecte-moi. Je suis largement dans la moyenne, c’est toi qui es affreusement grande ! déclares-tu en affrontant son regard.

Elle t’a blessé dans ta fierté latine ; elle t’a blessé dans ton ego, comme à son habitude – et pourtant cela t’affectes à chaque occasion ; et malgré toute la sympathie que tu lui portes, et malgré la mission que vous devez accomplir, tu en viens à oublier l’existence de l’alien en cet instant.

Toutefois il faut avouer que tu as bien raison sur un point : pour un Latino, tu te situes bel et bien dans la moyenne.

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