vanilla softserve sort of night (delia)

Je vérifiais une dernière fois mon reflet dans le miroir, repositionnant ma cravate pourpre bien au milieu de mon veston dont j'avais au moins une demi-douzaine de fois vérifier la propreté. La tenue avait l'air d'aller, elle. Mais il semblait qu'il n'y ait rien que je puisse faire pour arranger mes cheveux ondulant plus qu'à leur habitude aujourd'hui. Il fallait que ça tombe pour Mabon, hein? Pour CE Mabon. Ou peut-être que je n'aurai juste jamais dû l'inviter, tout simplement. Ressaisis-toi, Balthazar. C'est pas le moment de douter. Dans dix minutes, il faut que je sois chez elle. Faut que j'aille frapper à cette porte, et me présente devant sa famille avec qui j'ai basiquement grandis. J'aurai vraiment dû réfléchir à ce qu'impliquait ma proposition. Parce que là, maintenant, j'avais jamais eu aussi peur de grandma Spellman.

Portefeuille dans une poche arrière, téléphone dans l'autre, je descendais discrètement les escaliers pour ne pas attirer l'attention de mon paternel. Il ne semblait néanmoins qu'attendre ma venue, enfoncé sur le canapé les jambes croisées. Depuis que je lui avais dit que j'avais invité Delia, il n'avait eu de cesse de me regarder avec un petit sourire en coin qui avait le don de me mettre mal à l'aise. Il m'avait même  prêté sa cravate la plus élégante et passé en revue mes chemises jusqu'à conclure qu'aucune ne ferait l'affaire et été revenu le lendemain avec une au tissu fancy d'une couleur bleu gris dont je n'aurais probablement plus jamais l'usage. Et il ne s'était pas arrêté jusqu'à ce soir où le père Bizarre m'avait "convaincu", pour ne pas dire forcer, à mettre son parfum. "Effet garanti", qu'il avait dit. J'en avais jamais vu la couleur, de cet effet, vu qu'il ne s'était jamais remarié.

N'oublie pas d'être un gentleman, mais si quelque chose devait arriver, sors couvert, la potion d'infertilité ne protège pas de tout

Ca va, papa, je sais!

Je claquais la porte avec un entrain inhabituel, et regrettais immédiatement de l'avoir quitté sur cette note. J'aurai juste dû me taire, ou au pire lui rappeler une énième fois qu'on n'y allait qu'entre amis. Au fond, c'était comme ça qu'on avait toujours fait. Entre amis mais à plusieurs. C'était juste une version restreinte de l'habitude. Avec un corsage dans la poche de mon veston. Et aussi un peu d'anticipation. Probablement un moment gênant après que ses parents aient ouverts la porte. Et de l'eau de parfum Bleu de Channel. Des fois, c'est quand même mieux quand je ne pense juste pas.

Avec toutes ces histoires, j'arrivais devant la porte des Spellman avec quelques gouttes de sueur sur le front, non à cause des quelques minutes de marche qui me séparait de ma cavalière (gosh, ma cavalière?!)  mais à cause du stress de la confrontation. Est-ce que c'était trop tard pour changer d'avis? Est-ce que je pouvais juste lui envoyer par SMS "je suis devant"? Au fond, je savais que toutes les réponses à ces questions étaient non. Et je me décidais finalement à appuyer sur la sonnette, en retenant mon souffle.

Grandma Spellman ouvre la porte la première, un appareil photo dans les mains et un visage ravi. Je tente un sourire naturel, un "Bonjour Madame Spellman" qui se veut beaucoup moins enjoué que d'habitude. Elle n'a pas l'air si en agressive que ce que je l'imaginais, pourtant, mais une sensation d'inquiétude continuait de me parcourir tant que ses yeux étaient posés sur moi.

Sur ses talons, Cordelia venait de dévaler la cage d'escalier en levant les yeux au ciel. Elle devait savoir à quoi s'attendre, mais d'une certaine manière, je préférais encore la bienveillance des Spellman aux sourires en coin de Dante couplés à ses réflexions graveleuses. Il y avait quelque chose de rassurant dans leur foyer, qui rendrait probablement ce genre d'observation bien moins étouffantes. L'ambiance d'une famille unie et chaleureuse, j'imaginais.

Quand la rouquine arriva au niveau de l'entrée, les yeux brillants, cheveux tirés et apprêtée de sa large robe rose et noir, je réalisais à quel point j'avais été naïf de penser que je pourrais jouer le jeu de la sortie entre amie. Je reste tout simplement bouche bée pendant le court échange entre mon amie et sa grand-mère, tentant tant bien que mal de cacher le rougissement de mes joues derrière ma main gauche. Elle était superbe, mais je n'osais pas formuler cette pensée à voix haute. Gardons encore quelques instant cette couverture bien arrangeante, surtout devant Charles et Scarlett.

Waa, Delia, tu es ravissante!

S'exclama son père. Je ne pu retenir un hochement de tête discret, dont je ne pouvais dire si j'espérais que ma camarade ai ou n'ai pas vu avant de tourner la tête pour répondre. Mais peu de temps pour les réflexions, puisque j'ai moi-même ma part de compliments auxquels répondre face aux deux autres femmes de la maison. J'aurai préféré en rester là, mais Charles se joignit également à la conversation, agrémentant son commentaire d'un clin d'oeil dont je ne comprenais pas vraiment le sens et d'une conclusion qui sentait le déjà-vu.

Prend soin d'elle et pas de ... hm... tu vois.

B-bien sûr Charles! ... Monsieur!

Ouais c'est bon, on y va!

Le malaise était partout. Je n'osais pas regarder sa famille, ni Delia pour ce que ça vaille. Même quand la fraîcheur de sa peau rencontra ma main et que ses doigts s’enroulèrent autours des miens. C'était Mabon, pas les Lupercales! Pourquoi est-ce que tout le monde semblait s'acharner avec cette idée que, forcément nous allions... passer à l'acte? Est-ce qu'ils savaient quelque chose que j'ignorais sur la soirée? Je n'avais déjà pas le courage de lui avouer que je la voyais autrement que comme nous nous étions toujours regardés, et je ne savais même pas ce que ça voulait vraiment dire, alors mettre des actions sur cette idée restait tout bonnement inconcevable. Surtout ce genre d'action.

On était sur le point de passer la porte quand l'ombre de Scarlett nous rattrapa avec un sourire enjoué. On ne passerait pas à côté de la photo souvenir, il fallait croire, et nous nous métions d'accord sur ce point avec ma cavalière lors d'un bref échange de regard inconfortable.

L'un comme l'autre, nous nous tenons comme des piquets devant la caméra, et j'ai comme l'impression que ça frustre toute l'assemblée qui s'est réunie devant la porte. L’enchevêtrement de nos mains se veut la plus légère possible, comme pour se faire oublier, et pourtant, je ne pense qu'à cette posture qui doit paraître si peu naturelle de l'autre côté de l'objectif. Quitte à passer par la case photo, je me sens plutôt coupable de leur donner qu'une piètre satisfaction de ce moment qu'ils attendent.

Juste avant que le flash ne nous éblouisse, je laisse filer mes doigts entre ceux de Delia, et glisse ma paume le long de son dos jusqu'à sa hanche pour l'inviter contre moi, tandis que mon autre poigne viens se cacher dans la poche de mon pantalon. Et je crois que c'est avant que je détache mon regard de son visage que le flash illumine le couloir de l'entrée, et que l'on vous laisse partir pour le gymnase.

Delia est incroyablement silencieuse, même à l'extérieur. Peut-être n'aurais-je pas dû me permettre le contact que je m'étais permis un peu plus tôt. Ou peut-être que comme moi, les quelques réflexions familiales l'avaient mise mal à l'aise. Dans tous les cas, je me sentais tout de même responsable de ce silence, et d'y mettre fin.

Hm, euh... Delia, une seconde...

J'arrêtais mes pas une fois que nous quittions la rue des Spellman, avant que nous passions dans celle de chez moi, pour sortir de la poche de mon vestons le corsage fleuri de rigueur pour l'occasion. Orné de roses aux couleur pastel et d'un long ruban noir assez fin, il compléterait sa tenue à merveille. Dans un face à face un peu trop silencieux, j'attrapais lentement sa main droite et y plaçait l'ornement bien au milieu, avant de suivre les instructions de cette youtubeuse que j'avais écouté avec trop d'attention pour le nouer autours de son poignet. D'un sourire mi fière, mi gêné, je fini par reposer mes iris noisette sur elle une fois la manipulation terminée.

Parfait.

Prononçais-je à mi-mot, mes doigts toujours posés sur les fleurs que j'avais moi-même faite pousser. Mais ce que je voulais vraiment dire, c'était probablement Parfaite. Mieux valais s'abstenir pour l'instant. Nous étions tous les deux déjà bien assez gênés pour ne pas  que j'y ajoute des réflexions indésirables. J'étais déjà bien trop tenté à l'idée de prendre sa main, à celle de faire glisser mon pouce sur ses ses phalange pour aller jusqu'au gymnase, mais une partie de moi me rappelait que ça ne ferait qu'accélérer le battement déjà trop rapide de mon coeur.

Cachant donc les coupables dans mes poches, je reprenais ma position à ses côtés pour le reste du trajet.

Olivia est déjà partie? J'ai dû mal à imaginer tes parents lui faire le même numéro, ça a dû être quelque chose haha

Prend-le avec le sourire, Balthazar. C'est mieux pour tout le monde.

Se retrouver directement au gymnase. Je me sens un peu stupide en entendant sa remarque. Evidemment... C'était une bien meilleure idée. Et forcément, la comparaison aurait fait tiquer Scarlett et Charles. Je commençais à voir comment s'était installé cette situation déplaisante. Tout du moins en partie, et c'était un peu de ma faute. Si j'avais eu la présence d'esprit d'agir normalement, de lui donner rendez-vous au lycée, ça aurait évité bien des soucis.

On ferait mieux de faire ça la prochaine fois... Enfin... Je dis ça comme si on allait faire d'autres prom ensemble. Je veux dire, pas que ça me dérange, hein, mais plutôt que c'est un peu préte-

Mais sa main sur mon épaule vient me distraire de mes pensées. Je ne l'ai pas vu trébucher, mais je déduis de sa façon de s'accrocher et son excuse confuse qu'elle doit avoir un peu de mal avec ses chaussures. Rien ne sert de se faire des idées à mon tour. Juste une histoire de chaussure, oui. Ca suffit à me convaincre de ne pas mettre plus de rose sur mes joues.

C-ca va? On peut repasser par chez toi chercher des chaussures plates si tu as besoin.

Elle n'avait, après tout, pas besoin des talons pour être jolie. Et malgré ma ferme intention de ne pas mes laisser aller à la rêverie utopique, je ne pouvais m'empêcher de me réjouir, d'une certaine façon, de la savoir à mon bras sur le chemin. Sentir sa présence contre le tissu de ma chemise. Ca suffisait à mettre un sourire sur mon visage.

En tout cas, tu es très beau ce soir Balthy.

Ha-Erm... Merci.

Politesse. Oui, de la politesse. C'est ce qu'on dit quand quelqu'un est habillé de manière formelle. Rien de plus. T'emballes pas, Balthazar, et sois poli à ton tours.

Toi aussi, d'ailleurs. Je n'ai pas vraiment osé tout à l'heure parce que c'était déjà... tu sais... déjà un peu gênant, hein? Mais tu es ravissante. La robe te va à merveille, ça convient parfaitement à ta personnalité.

Je ne pouvais pas vraiment en dire autant de mon accoutrement qui était 100% fait de la vision que Dante avait de "ce à quoi je devrai ressembler pour mon premier formel en duo avec on ami d'enfance", mais vraiment, je n'étais pas sûr que ça soit vraiment un bon reflet de mon image. Il avait passé tellement de temps à vérifier chaque pli et ouvrir mon placard pour s'assurer de l'état de la tenue que je me demandais s'il n'était pas plus investi que je ne l'étais pour Mabon. Et avec le recul, c'était un peu louche... Est-ce qu'il y avait un piège quelque part? Un sort? Un objet magique quelque part entre les coutures? Non, j'étais en train de psychoter pour rien...

Et merci pour le corsage, il est magnifique... c'est toi qui l'a fait?

Hm, oui, mais c'était pas grand-chose. C'est fou ce qu'on peut faire en peu de temps avec quelques tutos sur YouTube, un peu de magie et une potion de pousse, hein? Les hoomans ont la vie moins simple, j'imagine que c'est pour ça qu'ils doivent utiliser des fausses fleurs.

J'essayais de faire la conversation, éviter les silences qui me remplissaient d'anxiété. Et ça avait l'air de faire le travail, puisque nous ne tardions pas à franchir la porte du gymnase. L'endroit avait été si bien décoré que j'avais du mal à reconnaître. C'était pas faute d'y passer tous mes mercredi soir, pourtant, mais le travail avait été superbement bien fait. Le buffet semblait assez attractif et les étudiants s'amusaient visiblement déjà assez bien. Quelques têtes familières étaient déjà présentes, mais semblaient assez prises dans leur discussion. Et j'avais, cette fois, une cavalière à divertir.

Ohh, c'est super joli, tu trouves pas?

J'avançais dans la salle avec une expression sincèrement réjouie. Dans un tel décor, j'avais l'impression que les choses ne pouvaient que bien se passer. Une soirée sympa, sans prise de tête maintenant que personne n'allait y voir des intentions qui ne devraient pas à priori exister. Au pire, Olivia ferait peut-être une ou deux blagues, mais c'était trop routinier pour que nous le prenions sérieusement.

On commence par le buffet, pendant qu'il en reste encore quelque chose. Mon père ne me pardonnera pas si je reviens sans avoir prit la ration de soupe je pense... Il tient trop à l'exécution des traditions dans les règles de l'art.