Into the Woods. [PV VIVI]

   

Le fentanyl est un analgésique opioïde, synthétisé pour la première fois en Belgique vers la fin des années 1950

J'en avais pris une fois, une seule fois et franchement... C'est la seule drogue à laquelle je dirais non. À peine prise: j'étais K.O., je n'ai rien pu sentir des effets. Bien plus fort que mes oxys, bien plus fort que la Molly et la morphine.... Non. Je comptais pas mourir aussi tôt... Ce jour-là, j'ai découché.

Frank a veillé sur moi toute la nuit et le matin il avait juste laissé un petit mot disant que j'étais une imbécile et que j'avais plus à fourrer mon putain de nez dans ses affaires... Et de me couvrir, mais il faisait 27° : en Écosse, une température comme ça: c'est le Sahara, alors j'avais mon short jusqu'aux genoux et un top...

... Mais là... Dan l'immédiat : j'avais envie d'avoir une pilule de fentanyl sous la main. Juste pour éviter d'avoir à passer mon week-end avec ce connard de vendeur de champignon à la con. Virgil.

À cause de lui, j'avais dû mettre les grosses godasses de ma mère, me trimballer un sac à dos blindé ( #HungerGames) et récupérer chaque chose qui était sur la liste qu'elle avait faite. Concrètement... J'avais plus l'impression d'aller chercher une licorne ... J'ai même l'impression que trouver une licorne est plus facile que de trouver tout ces ingrédients chelous.

- Putain...

Je lis la liste une dernière fois et la range dans ma poche arrière avant de m'asseoir par terre et attendre que boucle d'or montre le bout de son nez.
Concrètement, ça me gêne pas... Ce qui me gêne, ce sont les silences qu'il y aura pendant le voyage. Clairement, je ne compte pas lui parler et lui non plus... Je crois. Alors cohabiter, désolé si ça me fait rire, mais ça va être une sacrée paire de manches.

À l'heure qu'il est... Maman doit être en train d'appeler.

   

Ellie,

Quelle magnifique journée s’aurait été, si seulement il n’avait pas été obligé de retrouver Ellie Bennet à l’entrée du parc. La perspective de se retrouver seul avec elle durant 2 jours lui donnait encore moins envie d’être ici. Pourtant, il était là par sa propre faute. Il fallait qu’il l’accepte.

Au moins, il serait dans la nature, c’était tout ce qui comptait. Un week-end ensoleillé et pas trop chaud. Enfin! Cela changerait de l’atmosphère de la ville, et surtout, des gens qui y était. En particulier de madame Bennet, qui n’avait pas cessé de l’appeler depuis qu’elle le prenait pour le chaperon de sa fille. Virgil s’était contenté d'acquiescer sans la contredire, mais en comprenant quel genre de parent suprotecteur madame Bennet était, il avait eu légèrement pitié pour Ellie. Légèrement. C’était surtout très attendrissant de voir à quel point elle s’inquiétait pour sa fille. Ce n’était pas sa mère à lui qui aurait eut ce genre de réaction. Elle ne l’avait pas vu, ni appeler depuis des années, et ne semblait pas se faire le moindre soucis pour lui. C’était à se demander si elle se souvenait qu’elle avait un fils, mais ce n’était pas Virgil qui allait lui rappeler…

Équipé de ses vêtements de campeur, bottines de randonnée aux pieds, sac énorme sur le dos, les cheveux attachés en bun et lunettes de soleil sur le nez, Virgil arriva devant l’entrée du parc. Ellie était là. Visiblement préparée. C’était mieux que ce à quoi il s’attendait, heureusement.

Ellie, dit-il, pour la saluer.

Elle avait suivi ses conseils. Espérons qu’il en soit de même pas la suite. Virgil sortit une carte de ses poches, émise par le gouvernement du Canada, d’une photo aérienne des environs comprenant le relief, les sentiers et les refuges. La carte la plus précises qui soit. La dépliant sur un tronc d’arbre, il pointa le tracé en rouge, préalablement dessiné au stylo par nul autre que lui-même.

On est là, et on va là, dit-il, en essayant de lui parler le moins possible. Quand on sera là, on montera le camp. Allons-y. Ah! Et ta mère voulait que je te rappeles de te mettre de la crème solaire…

Sourire en coin, Virgil replia la carte, et ouvrit le chemin, hors sentier.

Dès qu’ils entrèrent plus profondément dans la forêt, le ciel bleu fut rapidement remplacé par un plafond de feuilles vertes de conifères et des feuillus, si bien qu’au sol, ils se retrouvèrent à l’ombre. Virgil ne parlait pas, en partie parce qu’il n’avait rien à dire à Ellie, mais surtout, parce qu’il voulait écouter le vent dans les feuilles, le chant des oiseaux, l’écoulement des ruisseaux et le craquement des branches. Il voulait entendre la nature, sans qu’elle soit atténuée par les bruits des voitures et de l’activité humaine. De plus en plus, la forêt se densifia, et peu à peu les troncs des arbres devinrent immenses. Dix mètres de diamètre et plus, au moins, dont on ne voyait pas la cime.

Devant l’un d’eux, le plus gros jusqu’à maintenant, Virgil s’arrêta, point sur les hanches, rien que pour admirer la splendeur de l’arbre, retirant ses lunettes de soleil pour l’observer encore mieux.

Cet arbre doit être vieux de 800 ans! Sans doute plus, je ne suis pas un expert. Tu ne trouves pas que c’est magnifique?

Ah quoi bon lui demander ce genre de chose? Ellie n’était là que pour ses champignons, évidemment. Tout de même, c’était impressionnant.

— Virgil

   

- Ellie.

Je lève la tête avec mes lunettes de soleil sur le front. Oh... ! Man. Il est là.
Sans attendre plus que ça, il se met à déplier une carte aussi grande qu'une notice de Médoc. Vous savez, ceux qui sont pliés sur en tout petit et que quand tu les déplies : ça devient le New York Times.

- On est là, et on va là. Quand on sera là, on monter le camp. Allons-y. Ah! Et ta mère voulait que je te rappelle de te mettre de la crème solaire.

Je le regarde avancer, un sourire en coin et grimace avant de prendre mon sac sur mon épaule et faire tomber mes lunettes de soleil sur mon nez. Gna gna gna. Et tes fesses? Elles sont bronzées ? Elles ont besoin de crème non?

Je le suis sans lui adresser un mot et finis par mettre mes écouteurs tellement je me fais chier. Puis en même temps, je me pose des questions... Et si ce type comptait m'abandonner en forêt ? Et si faisait exprès ? Après tout, je ne connais rien de lui. Il a peut-être de mauvaises intentions... Ça m'étonnerais pas! Faut être un sacré fou pour aimer les champignons ! Et s'il m'agressait sexuellement ? Et s'il me tuait ? Et s'il m'abandonnait ? Et s'il me faisait avaler un champi mortel et qu'il abandonnait mon cadavre dans les bois ? Je finirais déchiquetée par les montres est autres bêtes de la forêt.

Je le suis en faisant bien attention à marquer chaque arbre que je croise avec le petit couteau que j'ai en poche.

Soudain, il s'arrête devant un arbre immense, les mains sur les hanches et il ... "Admire" ce gros arbre. Bon, c'est vrai que c'est pas commun, mais c'est pas le premier qu'on croisera.

Il retire ses lunettes de soleil - j'avais même pas vu qu'il en avait... Regardez-le avec sa tête, là. Il se la pète, avec ses lunettes, sont p'tit nez et ses cheveux dorés. J'aimerais tellement lui mettre un coup pour le faire redescendre de son nuage.

- Cet arbre doit être vieux de 1800 ans! Sans doute plus, je ne suis pas un expert. Tu ne trouves pas que c'est magnifique?

Je regarde l'arbre. Puis lui. Il est sérieux ? J'abaisse mes lunettes.

- On s'est vraiment arrêtés pour un arbre ?

Nan. c'est pas que je fais ma rabat-joie. Mais il me prend vraiment pour une idiote ? Il croit que je n'ai jamais vu d'arbres de ma vie ? Bon.. Je devrais être plus..."Agréable". Sûrement alors... Je fais un effort. Je soupire et fixe l'arbre.

- Ouais.. C'est sûrement un bel arbre. Mais y'en a d'autres dans la forêt. Et je crois pas que mon avis t'intéresse vraiment de toute façon. Ce serait bien la première fois...

Je le fixe sans rien dire pendant des micros secondes, le visage chargé d'une expression presque neutre, puis me remet à marcher.
Non... Il ne doit vraiment pas ne pas s'y intéresser. Personne s'y intéresse de toute façon. Et c'est pas que pour moi que je parle ... J'ai remarqué que dans la société, chez tous les jeunes : personne s'intéresse à personne, sauf si on y gagne quelque chose.

   

Ellie,

On s'est vraiment arrêtés pour un arbre ?

Virgil poussa un soupir. Oui, ils s’étaient arrêtés pour un arbre, mais tout un! Un séquoia géant. On ne parlait pas des petits arbustes rabougris de Revelstoke, mais d’un arbre aussi gros et grand qu’un gratte-ciel.

Au moins, elle le regarda. Virgil haussa les épaules et se remit à marcher avec elle. Sans doute était-il plus sensible à la nature que la plupart des gens. Après tout, elle avait raison : ce n’était qu’un arbre. Cependant, il ne pouvait s’empêcher de se dire qu’il avait bien de la chance  de pouvoir voir un séquoia géant de ses propres yeux. Il en restait si peu…

Ouais.. C'est sûrement un bel arbre. Mais y'en a d'autres dans la forêt. Et je crois pas que mon avis t'intéresse vraiment de toute façon. Ce serait bien la première fois…

Virgil lui jeta un regard de côté, avant de reposer ses lunettes de soleil sur son nez.

Tu te trompes. J’aime connaître l’avis des gens. Sauf si c’est pour m’appeler Boucle d’or et connard.

Disons qu’ils étaient partis du mauvais pied pour avoir une conversation intéressante et intelligente sur quelque chose. Ellie était une emmerdeuse, mais elle était loin d’être comme les autres. Ça, il lui donnait volontier. Connaître l’avis des gens qui sortent de l’ordinaire était toujours très instructif, Virgil étant lui-même un peu décalé. Si Ellie n’était pas toujours aussi blasée de tout, ils auraient pu bien s’entendre.

C’est juste que je ne comprends pas comment tout ça, dit-il en écartant les bras, désignant la forêt, peut te laisser de glace. C’est parce que je suis là, où c’est parce que c’est ton attitude générale envers… tout?

— Virgil

   

- Tu te trompes. J’aime connaître l’avis des gens. Sauf si c’est pour m’appeler Boucle d’or et connard.

Je lève les yeux au ciel et soupire et avance encore. Encore un type qui essaye de jouer la bonne âme. Je lui fais pitié à ce point? Comme si je l'intéressais... Quel hippie comme Virgil serait intéressé par une nana comme moi... Laissez moi rire, il veut juste meubler le vide. Pour lui je suis juste une mission comme tout autre mission. Une fois que tout ça sera finit, il sera bien content de ne plus me voir.

- C’est juste que je ne comprends pas comment tout ça peut te laisser de glace. C’est parce que je suis là, où c’est parce que c’est ton attitude générale envers… tout?

Oh non... Oh non, non, non... Me dites pas qu'il devient sentimental! Vraiment? Il tient à savoir ce qu'il se passe dans ma tête? Mais de quoi il se mêle? En quoi ça le regarde? Pourquoi il s'y intéresse?

J'inspire fortement en essayant de garder mon calme et en essayant de trouver un moyen pas trop agressif de lui répondre. Il ne s'agit pas de le froisser pour qu'il m'abandonne dans la forêt.

- Euh...

Aller Ellie. Dit quelque chose...

- Disons qu'on est pas vraiment potes toi et moi, alors ...

... C'était franc. Mais pas spécialement délicat. J'ai merdé.

- Je suis pas de glace. Et je suis pas blasée envers tout...

... C'est totalement faux.

- C'est juste que je me vois pas m'extasier devant toi pour un arbre. J'ai des interêts... Autre que la came. Puis c'est un arbre, quoi... On va les voir tous les jours, donc... C'est pas comme si on voyait une licorne, dis-je presque en riant.

Génial... Ellie: tu es un génie.

Je viens sûrement de lancer un grand froid alors qu'entre nous, c'était déjà le froid du grand nord, pire: l'iceberg du Titanic.

Nous continuons à marcher et atteignons une espèce de fossé. Un genre de mur qu'il faut escalader si on veut avancer. Un cul-de-sac naturel. Un gros rocher SAMER. Je remonte mes lunettes sur mon front et regarde le truc. Oh gosh. Les embrouilles.

   

Ellie,

Oh. D’accord. Elle allait être désagréable chaque fois qu’il ouvrirait la bouche. Virgil balaya sa main devant lui en signe d’abandon. Il jetait l’éponge. Une question apparement anodine se retournait contre lui et voilà qu’elle le prenait mal. Comment pouvait-elle être offensée par une question comme «pourquoi t’es toujours blasée?». M’enfin…

Okay okay, c’est bon. J’essayais pas de devenir ton pote. Comme tu te plaignais qu’on ne te demande jamais ton opinion…, dit-il, laissant sa phrase en suspend.

Il avait quand même prit la peine de poser une question pour connaître un peu mieux le fond de sa pensée. Et pour quoi? Se faire dire que ce n’était pas de ses oignons. La prochaine fois qu’Ellie se plaindrait de quoi que ce soit, il allait totalement l’ignorer, puisqu’elle ne semblait même pas savoir ce qu’elle voulait réellement.

Plus que deux jours…

Continuant leur route, celle-ci fut soudainement bloqué par un rocher, niché entre deux affleurement rocheux. Virgil, perplexe, sorti sa carte de son sac, et émit un «mmh» de circonstance en observant le chemin.

On est au bon endroit. Ce rocher n’était pas là la dernière fois, dit-il en levant la tête pour regarder les roches mises à nues par l’affleurement. Il y a dû avoir un éboulement récemment, ça arrive tout le temps.

Cela faisait bien, cinq ou six fois qu’il changeait son itinéraire cette année. Les pierres étaient poreuses dans le coin et il y avait souvent des éboulements, sans parler des avalanches l’hiver et des feux de forêt l’été. Virgil rangea sa carte et regarda de nouveau le rocher. Avec trois ou quatre mètres de haut, il ne serait pas si difficile de l’escalader. Pour lui en tout cas, Ellie, en revanche, c’était à confirmer.

Okay. On va passer par dessus, décida-t-il en resserrant les bretelles de son sac à dos. Trouver un autre chemin serait trop long et je n’ai pas envie que l’on arrive au milieu de la nuit au campement.

Virgil jeta un regard à Ellie. La dernière fois qu’elle l’avait regardé entrain de grimper un truc, il avait reçu un champignon à la figure. Putain… rien qu’en y repensant, il eut presque envie de la laisser là. Il poussa un soupir, puis il approcha du rocher. Il lui expliqua exactement ce qu’elle devait faire et ne pas faire, ne pas regarder le ciel et les oiseaux qui volent mais plutôt ses mains et ces pieds. Ensuite, il se mit à escalader lui-même le rocher, il montrant exactement là où elle devrait poser ses pieds et ses mains. L’ascension ne durerait qu’une minute. Virgil descendit ensuite du rocher pour retourner vers Ellie.

Vas-y, monte la première. Je serais là pour te rattraper si tu tombes.

— Virgil

   

- Okay okay, c’est bon. J’essayais pas de devenir ton pote. Comme tu te plaignais qu’on ne te demande jamais ton opinion…

- Je me plaignais pas, marmonné-je.

Sérieux... Dès que quelqu'un ose dire un truc plutôt vrai: les gens montent sur leurs grands chevaux avec un air moralisateur avant d'affirmer que vous vous plaignez.

J'imagine que si je dis que les femmes son moins bien traitées que les homme de manière générale: là aussi il me dira que je me plains. Vraiment: je ne préfère pas savoir sinon je pourrais être en train de cacher un corps sous terre d'ici ce soir.

- On est au bon endroit. Ce rocher n’était pas là la dernière fois. Il y a dû avoir un éboulement récemment, ça arrive tout le temps.

"Au bon endroit"? Ça veut dire qu'il en était pas sûr? Oh bah ça me rassure vraiment tiens!  

- Okay. On va passer par dessus. Trouver un autre chemin serait trop long et je n’ai pas envie que l’on arrive au milieu de la nuit au campement.

- Okay... C'est toi qui voit.

Clairement. Je gère pas tout ce qui est agencement et autre, c'est pas pour ça que j'ai "signé", so.  
Il s'avance vars le rocher et m'explique une bonne dizaines de choses que j'écoute attentivement, je le regarde attentivement faire, retient où il a bien pu mettre ses pieds, ses mains... Ouais... Quand je le vois faire... Je me dis que mon manque de force dans mes bras ne m'aidera pas. Grace au vélo j'ai des muscles dans les jambes... Mais mes bras. C'est la dèche.

- Okay, okay...

Je retire mon sac et le balance par dessus avant d'avancer vers l'obstacle. J'attrape une petite pierre et celle-ci se décroche dans ma main. Je la regarde béa et me dis que si tout se décompose sous mes mains... Je suis pas sortie de l'auberge sachant que je ne sais pas encore appliquer mon pouvoir à moi même... Je ne peux pas me faire léviter...

Je soupire d'un coup sec et me met à grimper. Sans mentir, il m'arrive de chercher mes appuis en tâtonnant du pied un peu partout et une fois la surface accessible: je me hisse comme quand on le fait à la piscine. Je reste à genoux et reprend mon souffle et m'avance en poussant mon sac plus loin...

- Oh bordel...


   

Ellie,

Virgil l’observa, confiant qu’elle allait réussir à grimper ce rocher sans tomber. Cette fois, contrairement à celle où il avait tenté de lui expliquer comment grimper dans un arbre, Ellie l’avait écouté avec attention, sans le contredire ou le traité d’idiot. Un jour à marquer d’une croix sur le calendrier!

En voyant qu’une petite roche venait de se décrocher de l’affleurement, alors qu’Ellie avait posé sa main dessus pour s’y appuyer, Virgil sursauta, et se rapprocha d’au-dessous de la jeune femme. Si elle perdait pied, au moins, il sera là pour la rattraper. Cependant, Ellie se débrouilla à merveille, trouvant une autre prise facilement, et continua de grimper. C’était pas mal pour une première fois. L’important était de ne jamais paniquer, et c’était ce qu’elle avait fait.

Lorsqu’elle se retrouva tout en haut du rocher, et qu’elle en atteignit le sommet, Virgil grimpa à son tour pour la rejoindre.

C’était parfait. Un coup de main?

Il lui tendit la main pour l’aider à se relever, et ils continuèrent leur route jusqu’au campement.

Celui-ci heureusement, n’était plus très loin. Lorsque Virgil reconnu l’endroit, il s’arrêta de marcher. En effet, il était difficile de le manquer : en traversant le parc, ils avaient marché jusqu’à la côte, et devant eux, se trouvait l’océan Pacifique, rien de moins. La petite plage de sable brun et noir descendait rapidement dans l’eau, entourée de falaises à pic rougeâtres, surmonté de plusieurs grands sapins et épinettes. Encore une fois, Virgil ne pu s’empêcher d’admirer les environs. Il avait beau être venu souvent ici, chaque fois, la beauté du paysage le surprenait. Il posa son sac à l’orée de la forêt, et craqua sa colonne vertébrale en étirant ses bras vers le ciel.

On y est.

Virgil fouilla dans son sac, et tendit un sandwich au poulet à Ellie. Il la traînait jusqu’ici, alors la moindre des choses était de prévoir quelque chose à manger non? Il s’assit sur une roche, face à l’océan.

Pas trop fatiguée? Après je te montre comment monter une tente, et faire un feu solide, dit-il en ouvrant sa bouteille d’eau. C’est facile, tant qu’il ne manque aucun morceau. T’as déjà été faire du camping avec tes parents?

Lui, n’avait jamais eu cette chance. Jamais ses parents, dans leur tailleur impeccable, n’auraient voulu les salir en se promenant dans les bois...

Le site de campement:

— Virgil

   

- C’était parfait. Un coup de main?

Je prend la main qu'il me tend et me redresse en rattrapant mon sac.

- J'ai perdu un poumon en chemin j'crois.

Pendant un instant, nous avançons. Un instant qui tant il est compliqué pour moi, dure des heures, alors qu'en vérité...  Puis à un moment, il finit par prononcer les mots que j'attends depuis des lustres.

- On y est.

Il me tend un sandwich que je regarde avant de l'attraper. Puis je remarque le paysage. La mer... Je me sens comme Elizabeth Bennet dans "Orgueil et préjugés", lorsqu'elle est au bord d'une falaise face au monde, vaste, splendide et tranquille.

Je l'ai jamais dit à personne, mais ce genre de chose, l'immensité du monde, de la création, cette chose tellement plus grande que moi, tellement plus vaste et effrayante, cette chose: j'adorais être confrontée à elle.

La première fois c'était avec mon père... Et souvent on ne comprend pas pourquoi les gens restent debout dans les films, à regarder le paysage.  Eh bien, moi ce jour là j'ai compris. C'est comme si quelque chose me parlait, comme si de là où j'étais, je captais chaque onde, chaque présence, chaque vie.

Comme si une partie de mon coeur s'emboitait avec ce genre de paysages, comme si elle me rendait complète.

- Pas trop fatiguée? Après je te montre comment monter une tente, et faire un feu solide. C’est facile, tant qu’il ne manque aucun morceau. T’as déjà été faire du camping avec tes parents?

Je tourne la tête vers lui. Sa voix me tire de ma rêverie.

- Je... Je vais bien. M-merci pour le...

Je montre le sandwich.

- J'ai fait du camping... Il y a très longtemps. Avec mon père et... J'en ai pas refait depuis qu'il a disparu.

J'ai pas fait grand chose depuis qu'il a disparu.

Je pince les lèvres et m'assois par terre avec mon sac pour regarder ce que ma mère à pu ajouter dans mon sac, pendant que je dormais. Une couverture... Des tests urinaires et je ne sais quoi encore. Je re-rentre mes affaires dans mon sac et me met à manger le "cadeau" de Virgil jusqu'à ce qu'un ...

Je sens une petite force évacuer mon coude avant de s'intéresser à ma nourriture. C't'une petite tête de lapin dont les corne recourbées comme celles d'un bélier, me font mal.

- Eh!

C'est un foutu Jackalope! Ce dernier tire sur le pain de mon sandwich et reste bien installé lorsqu'il mâche . Je pose mon casse-dalle et m'apprête à l'attraper, mais ce dernier me met un petit coup de patte avant de fuir.

- Oh! Sale morveux!

Je me redresse pour le poursuivre. Alors on peut croire que je suis vraiment en train de courir derrière un lapin pour lui faire sa fête, mais en vrai: j'en ai rien à faire. En vrai, je le poursuit pour ses bois. Si je trouve son terrier, je trouve les bois qu'il aura perdu. Ça me fera une chose en moins sur la liste de maman.  Arrivée devant son terrier, creusé naturellement dans la roche, au bord du bord de la mer, je peux voir ses petits.

- M-mais... T'es une femelle?!

- Idiote! qu'elle répond.

Elle aurait pu me le dire que c'était pour ses enfants quand même. Je lui aurais donné mon sandwich, volontiers.

- T'as qu'a aller prendre mon sandwich... T'as croqué dedans de toute façon alors... Mais en échange...

J'attrape les bois.

- Eh!

- ... Je te prend ça. J'en ai besoin pour ma mère.

Elle grogne et râle, j'en passe. Et fini par m'éloigner.

- Un plaisir de faire affaire avec toi!

J'aurais pu ignorer les vagues et leurs mouvement répétitif. Mais la mer... L'eau en général, avait un tel effet sur moi. Après la drogue, l'eau était la chose qui m'apaisait le plus.

Mais la mer... La mer me confronte a qui je suis réellement et donc, par corrélation: à mon passé. Le visage de mon père réapparait dans mon esprit alors que mon regard terne fixe l'horizon.

Ses yeux rieurs... Ses cheveux bouclés, domptés par la wax, ses fossettes dont j'ai hérité, la couleur de ses cheveux... Sa carrure, ses mains qui passaient dans mes cheveux... Son odeur mêlée à celle iodée de la mer.

- Ellie... On va rentrer.

- J'aimerais rester ici, toujours. On peut papa?

- Pour l'instant non... Mais si tu travailles bien à l'école, t'auras un job comme il te faut et avec l'argent que tu gagnera: tu construira une maison ici..

- Tu vas m'aider?

- Evidemment.  Mais pour l'instant; on doit se contenter de venir de temps en temps, mais un jour...

"Un jour".  

Aujourd'hui j'ai l'impression que c'es devenu impossible. Ce rêve de maison n'existe plus. c'était le rêve d'une petite fille qui ne pensait pas qu'un jour son père s'en irait avec tout ce qu'ils possédaient. Le rêve d'une fille qui ne savait rien de la réalité. Aujourd'hui la petite fille n'existe plus et ses rêves non plus. En fait, je crois que le monde des rêves n'existe plus. Pour elle comme pour moi. Ila cesser d'exister quand j'ai compris que rêver du retour de mon père ne servirait plus à rien.

... J'ai jamais dit ce que je ressentais vis à vis de mon. J'ai jamais parlé de ma haine, de ma colère. Ni même de ma tristesse. Jamais. Mais lorsque je me retrouve face à quelque chose d'immense désormais: tout ressurgit. Comme au premier jour. C'est dans ce moments que j'aimerais avoir un cachet de Molly dans la main.
   

Ellie,

Depuis que son père avait.. disparu?

Ah… merde.

Virgil ouvrit le sac et se rempli la bouche de son sandwich. C’était préférable à continuer d’essayer de faire la conversation avec Ellie. Il ne comprenait pas pourquoi il continuait quand même d’essayer de la connaître, juste un peu. Tout le monde avait des vies compliquées, mais celle d’Ellie semblait l’être particulièrement. Son père avait disparu. Qu’est-ce que ça voulait dire exactement? Il était mort? Il était parti un jour et n’était jamais revenu?

Valait effectivement mieux manger son sandwich plutôt que de lui poser la question.

Au moins, un jackalope décida de montrer le bout de son nez, et heureusement, semblait distraire un peu Ellie. Enfin, qui semblait l’agacer surtout. Virgil regarda la scène d’un air vaguement amusé. Elle finit par lui donner son sandwich, et à prendre ses bois en échange. Pour sa mère, apparement.

Ils terminèrent leur casse-croûte en silence, le bruit des vagues en fond sonore. En fait, ils demeurèrent silencieux un long moment après, à écouter et regarder les vagues s’échouer sur la plage. Virgil vivait pour ce genre de moment, où il avait l’impression d’être sur une île déserte, loin de toutes responsabilités qui l’attendait chez lui et à la boutique. Il était toujours heureux de retrouver son lit, mais en ce moment, il n’y pensait même pas. Il ne pensait à rien, lorsqu’il fixait l’infinité bleue de l’océan.

Il ne saurait dire combien de temps il resta là, contemplatif, avant de se forcer à se lever.

Bon, c’est bien joli tout ça, mais on a des tentes à monter, dit-il en fouillant dans son sac.

Pour Ellie, Virgil avait apporté l’une de ses tentes de rechange, qu’il gardait au cas où sa tente principale se briserait. La tente en elle-même n’était pas très grande, ni très haute, arrivant à la hauteur de la hanche. Cependant, ils n’auraient pas besoin d’une tente énorme pour être confortable. L’important, expliqua-t-il, c’était qu’elle soit solidement plantée dans le sol pour ne pas qu’elle s’envole avec le vent, mais Ellie se débrouilla encore une fois plutôt bien de son côté. Monter une tente était comme faire du vélo, ça ne se perd jamais.

Eh ben, qui l'aurait cru, dit-il en croisant les bras pour regarder la tente d’Ellie. Une vraie petite scout ma parole!

Avec un sourire moqueur, Virgil commença ensuite ses explications sur comment faire un feu solide.

Alors, on connait tous le sortilège de l'allumette, donc pas besoin de frapper deux pierres l’une contre l’autre en attendant de voir une étincelle. Par contre, avec ma truelle, que tu ne me jetteras pas sur le nez cette fois, dit-il en lui tendant l’outil, creuse un trou d’une quinzaine de centimètres de profondeur. Ça empêchera le feu de s’éteindre trop vite, ou d’être emporter par le vent. Ce n’est pas ici qu’on veut se retrouver dans un feu de forêt… Ensuite, t’auras besoin de ça.

Virgil fouilla à nouveau dans son sac pour en sortir une hache, qu’il déposa au pied d’Ellie, ainsi qu’une paire de gants. Ben oui, rien de mieux qu’une hache pour couper du bois! C’était encore la méthode la plus efficace quand on a pas de tronçonneuse dans le coin. Virgil s’équipa d’une seconde hache… une hache de rechange, au cas où! Valait toujours mieux être trop préparé que trop peu.

Ça non plus, ne me le jettes pas à la figure. Tu prends donc la hache avec tes deux mains, solidement hein, faudrait pas qu’elle glisse… et ben tu bûches.

— Virgil

   

- Bon, c’est bien joli tout ça, mais on a des tentes à monter!

Virgil se met à chercher dans son sac avant de sortir de quoi monter une tente. Il se met à m'expliquer les basiques du camping sans que je réagisse vraiment. Attrapant la mienne je commence à l'installer avant de tomber en fou rire... Uniquement parce que j'ai imaginer la tente s'envoler alors que je dormais dedans. Mais très vite, je me calme avant de reprendre.

- Eh ben, qui l'aurait cru. Une vraie petite scout ma parole!

Sa remarque m'arrache un simple sourire. Mon père n'a jamais voulu que je fasse les scouts... Il a toujours préféré tout m'apprendre, lui-même. Mais quand je relève la tête vers lui, je le perd immédiatement: il se fout de moi. Je ne dois jamais oublier qu'aucun de ses mots ne sera jamais vraiment sincère sauf lorsqu'il dira des choses désagréables. Je finis et me retourne vers lui pour l'écouter encore.

- Alors, on connait tous le sortilège de l'allumette, donc pas besoin de frapper deux pierres l’une contre l’autre en attendant de voir une étincelle. Par contre, avec ma truelle, que tu ne me jetteras pas sur le nez cette fois, creuse un trou d’une quinzaine de centimètres de profondeur. Ça empêchera le feu de s’éteindre trop vite, ou d’être emporter par le vent. Ce n’est pas ici qu’on veut se retrouver dans un feu de forêt… Ensuite, t’auras besoin de ça.

J'attrape la truelle et commence à creuser sans rien dire. A ce rythme: qu'est-ce que je peux bien lui dire? Hein? J'vais pas lui demander comment va son nez... Ce serait mentir que de lui faire croire que je m'inquiète pour lui. Surtout que son nez va bien, il semble parvenir à respirer correctement.
La blondinette pose alors une paire de gants et une hache à mes pieds.

- Ça non plus, ne me le jettes pas à la figure. Tu prends donc la hache avec tes deux mains, solidement hein, faudrait pas qu’elle glisse… et ben tu bûches.

Je le regarde lui, puis la hache... Sérieusement? Je fini par faire une moue et hausse les épaules avant d'enfiler les gants et attraper la hache pour me relever et partir à la recherche de bois sec. Chaque brindille, branche ou bout de bois que je trouve s'ajoute automatiquement au paquet que je fais flotter en l'air. Mais quand vient le moment d'utiliser la hache...

Je suis déjà un danger publique avec une arme... Mais quand il s'agit de l'utiliser correctement: c'est encore pire! J'attrape la hache et prenant une sorte d'élan, je lève la hache...

... Je lève la hache. Et c'est tout ce que je peux faire car elle m'échappe des mains. Je la sens valser dans les air avant d'entendre un espèce de *chomp*. Un bruit sourd et métallique qui indiquerait qu'elle s'est plantée dans quelque chose. Pourvu que ce soit pas blondie, pitié... Pitié... Je suis trop jeune pour finir mes jours en prison.

- Shiet, shiet, feckin' shiet...

Je me retourne doucement et voit que la hache n'est pas passée loin. Plantée dans l'arbre près de lui. Je grimace un peu confuse et tire la langue comme si j'avais mangé un truc dégueulasse. 


- J-j'ai pas fait exprès...? Promis...

J'enjambe les hautes herbes et autres pour attraper le manche de la hache et tirer dessus, une, deux et trois fois. Je la regarde et la lui rend en pinçant les lèvres.

- Je crois qu'il vaut mieux que tu garde ta hache... Qui plus est: j'ai assez de bois je crois.

J'éclaircis mon visage et tourne mes talons pour revenir sur mes pas. Je dépose une partie du bois sur le côté et en met une partie dans le petite fossé creusé avant de retirer mes gants et d'attraper une touffe d'herbe sèche entre mes deux mains.

- Incendio...

Une chaleur se répand entre mes mains. De manière plutôt gauche, je lâche la flamme au milieu du bois, dans le foyer et ajoute ici et là, d'autres touffes d'herbe sèches. Au bout de quelques minutes, une large flamme s'étend.

Je me souviens... Avoir blessé ma mère lors d'une de mes colères. Elle savait déjà que je me camais... J'ignorais pourquoi elle devenait plus sévère et plus oppressante. Et comme à mon habitude, les choses se sont mises à valser autours de moi et sans rentrer dans les détails, j'ai blessé ma mère avec du verre. Je ne n'oserais dire si je l'ai fait de manière volontaire ou pas... Pas que je ne sache pas, au contraire. C'est justement parce que je sais que je n'ose pas...

Mes yeux scrutent la flamme tandis que je visionne cet épisode de ma vie, dans ma mémoire. Je renifle et brise mon silence en me levant pour aller regarder l'océan et changer mes idées. Je ne sais pas si c'est une bonne idée d'être ici... Je me rend compte que tout me rappelle mon passé, mes blessures et tout ce que j'essaye d'oublier.
Croisant les bras, j'ignore le vent frais qui annonce la progression du jour, voir le début de la fin. J'arrange mes cheveux volants partout, derrière mes oreilles et tente d'oublier...

- Ellie... Tu rêves?

- Un peu. Mais c'est un vrai rêve, tu sais.

- Eh, c'est pas parce que personne voit tes rêves qu'il sont pas vrais ma grande...
   

Ellie,

Virgil enfila ses propres gants et commença à couper du bois sec, question d’en avoir en réserve pour quand le feu se mettra à diminuer, mais il fut très rapidement interrompu par la hache d’Ellie, qui se planta tout près d’où il se tenait. Virgil sursauta, et regarda Ellie avec des yeux noirs.

Tu tiens ta hache… so-li-de-ment! Bon sang…

Il secoua la tête de découragement, et reprit sa coup de bois.

Fille de la ville va, grommela-t-il dans sa barbe.

Elle savait monté une tente et grimper un rocher, c’est déjà ça, mais elle en aurait encore long à apprendre si elle comptait revenir dans la forêt pour trouver le moindre champignon digne d’intérêt.

Lorsque Virgil revenu, des petits billots de bois dans les bras, il retrouva Ellie qui fixait l’horizon, près de leur feu de camp, qui semblait bien brûler pour le moment. Virgil y ajouta une bûche, et en se redressant, constata que la jeune femme était perdue dans ses pensés, encore. Virgil était lui-même assez contemplatif, mais il ne l’aurait pas cru de la part d’Ellie.

Virgil passa une main devant les yeux de la jeune femme.

Youhou… Ça va?

Ellie était bizarre depuis qu’ils étaient arrivés au campement. Enfin, plus bizarre que d’habitude. Elle n’était pas entrain de faire une crise de sevrage? Est-ce qu’elle avait prit un truc pendant qu’il avait le dos tourné? Elle n’avait pas l’air d’avoir les yeux rouges pourtant. En même temps, qu’est-ce qu’il connaissait à ce genre de truc. Sa seule drogue était le café!

Virgil finit par croiser les bras. Peut-être était-il un peu trop sur les nerfs, avec ses histoires de drogues. Il voulait seulement la ramener à sa mère en un seul morceau.

Désolé, c’est juste bizarre de te voir pensive.  Tu ne t’ennuies quand même pas déjà de la ville? Je te promets que demain, on va trouver tous les champignons que tu veux. Enfin, qui sont dans le coin, dit-il, peut-être pour lui remonter le moral.

— Virgil

   

Virgil ne reste pas de marbre. Evidemment. Il fallait s'y attendre. Passer à côté de la mort... Aussi bêtement. Je le laisse même me traiter de "fille de la ville".

Peu m'importe.

- Youhou... Ça va?

Je tique et lui jette une regard furtif et confus, l'air de dire " mais qu'est-ce que tu fous, mec?".

- Désolé, c’est juste bizarre de te voir pensive.  Tu ne t’ennuies quand même pas déjà de la ville? Je te promets que demain, on va trouver tous les champignons que tu veux. Enfin, qui sont dans le coin.

M'ennuyer de la ville... Laissez moi rire. La ville m'étouffe... La ville et la société qu'elle habite. Parfois, il m'est arrivé de rêver de pédaler à vélo dans Ravelstoke alors qu'elle serait morte.

Vide.

Il m'est arrivé de penser que ce serait le moment le plus heureux de ma vie et qu'enfin, je serais en paix. Oui: si elle était totalement abandonnée, je serais libre de tout. Crier, casser, dire tout ce que je pense à voix haute... Personne n'en aura rien à faire parce que personne ne sera là. Personne ne sera outré, personne ne sera blessé... Juste moi et mes pensées...

Pas besoin de drogue, pas besoin d'être avec Virgil pour trouver des champignons qui m'aideront à frauder mes tests urinaires. Je serais libre... Libre de pouvoir souffrir. De le dire de faire chier avec ça. Mais ... Ce monde n'existe pas. Je suis prisonnière de la réalité... Et la réalité veut que je me taise et que je fasse comme si ce n'était rien pour ne pas déranger le monde, les gens ect...

- Non... Non, non... La ville me manque pas. Et ... Je sais que c'est dur à le croire, mais il m'arrive de penser. C'est pas parce que je me came que j'ai pas de cerveau.

Aucune once d'agressivité dans la voix. Je ne cherche pas à le heurter, à me moquer de lui ou quoi que se soit. C'est juste à titre informatif.

- Et... Je...

Je hausse les sourcils en me passant un main sur le visage.

- Je me came pas pour le plaisir, marmonné-je en retournant dans la tente pour aller me chercher un pull.

Je ne prend même pas la peine de lui avouer ça en face de manière claire. J'en ai rien à foutre de ce qu'il peut en penser, rien a foutre de ce que tous en pensent. J'ai pas besoin de justifier pas prise de came. Il ne pourrait pas le comprendre... Personne ne le peut.

Je passe mes mains sur ma face en rabattant mes cheveux en arrière et sort un sachet de ma mini poche caché de mon legging. Je ne vous fais pas un dessin: vous vous doutez bien de ce que c'est. Je fixe le sachet de papier ciré au travers duquel les deux comprimés transparaissent. Je soupire et relève la tête en les rangeant dans ma poche et sors un pull de mon sac avant de l'enfiler et ressortir.
   

Ellie,

Virgil croisa les bras sur son torse. Est-ce qu’il était à ce point transparent, ou est-ce qu’elle lisait dans ses pensées? Bah… la première option était sans doute la plus probable. Il n’était pas exactement un très bon joueur de poker. Puis, elle lui dit qu’elle ne se camait pas pour le plaisir. Elle retourna vers sa tente, et Virgil la suivit des yeux, pour se retourner ensuite vers le rivage, perplexe.

Elle ne se camait pas pour le plaisir. Pourquoi alors? Voulait-il vraiment le savoir? Pourrait-il seulement comprendre? Lui, qui n’avait jamais rien prit de sa vie, hormis du café. Il était évident que le sujet était épineux, sensible même, et que jusqu’à présent, mis à part le coup de la hache qui vole, ils s’en étaient bien sortis tous les deux. Personne ne s’était blessé au moins, c’était déjà ça.

Le soleil commençant à baisser, Virgil retourna lui aussi vers sa tente pour enfiler un pull et un jean. Les nuits sont fraîches par ici, et il fallait entretenir le feu. Posant une bûche près du feu, Virgil se posa devant celui-ci, son regard envoûté par les flammes. Puis il leva les yeux vers Ellie.

Tu veux des guimauves? C’est un classique quand on fait du camping, dit-il en fouillant dans son sac.

Avec les longues journées qu’il avait à marcher et grimper dans tous les sens, un peu de sucre ne faisait pas de mal. Il piqua sa guimauve sur le bout d’un bâton, et la commença à la faire griller. Il tendit ensuite le sac de guimauves à Ellie.

Un autre classique, c’est de raconter des histoires d’horreur. En plus, on est presque à Halloween! Dit-il en souriant, avant de commencer. Alors… C’est l’histoire de Thomas, qui a rendez-vous avec sa copine Vicky. Il passe la chercher avec sa voiture, et l’amène dans un endroit tranquille dans les bois, et se gare dans une clairière isolée pour une petite session de galochage.

Jusque là, mis à part un sourir en coin de Virgil, rien d’anormal.

Il laisse tourner la radio, et soudain, la musique s’interrompt et un communiqué urgent est diffusé à la radio : « Un meurtrier s’est échappé de l’asile! », s’exclama Virgil totalement dans son histoire. Le présentateur en fait une description flou, mais précise que le tueur possède un crochet au bras. Vicky, effrayée, demande à Thomas de la ramener chez elle, mais c’est hors de question pour Thomas, qui compte bien montrer qu’il n’a pas de rien. Il se penche pour l’embrasse, mais un craquement de branche les fait sursauter. Vicky insiste pour rentrer, et Thomas accepte à contre-coeur. Il fait marche arrière et se met en route pour la ville.

Virgil, s’interrompit, visiblement près de la fin de son histoire.

Arrivés devant la maison de Vicky, cette dernière descend de la voiture et se met à hurler de manière incontrôlable. Thomas se précipite vers elle et découvre ce qui la met dans cet état… accroché à la poignée de la voiture, un crochet sanglant se balance doucement...

Virgil dévora sa guimauve, savourant son histoire effrayante. Il regarda ensuite Ellie, sa principale et seule spectatrice.

Alors… t’as peur?

— Virgil

   

- Tu veux des guimauves? C’est un classique quand on fait du camping?

Des guimauves... Ça fait combien de temps que j'en ai mangé? J'en sais pas grand chose. Après que papa soit parti, j'ai progressivement perdu le goût les choses pour les choses sucrées... J'imagine que dans mon esprit le sucre est associé au sentiment de joie... C'est pour ça que j'ai pas cherché à en manger. Ça veut pas dire que j'en mangeais plus... C'est juste que je me tournais pas vers ça.

Je soupire et attrape le sac de guimauve avant de l'imiter.

- Un autre classique, c’est de raconter des histoires d’horreur. En plus, on est presque à Halloween! Alors… C’est l’histoire de Thomas, qui a rendez-vous avec sa copine Vicky. Il passe la chercher avec sa voiture, et l’amène dans un endroit tranquille dans les bois, et se gare dans une clairière isolée pour une petite session de galochage.

Woaw... Génial comme début!

C'était ironique. Sérieux, présenté comme ça: l'histoire sera loin de m'effrayer. Elle va plutôt me lancer dans un débat sur "pourquoi Thomas est si stupide". Mais bon, je l'écoute tout de même.


- Il laisse tourner la radio, et soudain, la musique s’interrompt et un communiqué urgent est diffusé à la radio : « Un meurtrier s’est échappé de l’asile! ». Le présentateur en fait une description flou, mais précise que le tueur possède un crochet au bras. Vicky, effrayée, demande à Thomas de la ramener chez elle, mais c’est hors de question pour Thomas, qui compte bien montrer qu’il n’a pas de rien. Il se penche pour l’embrasse, mais un craquement de branche les fait sursauter. Vicky insiste pour rentrer, et Thomas accepte à contre-coeur. Il fait marche arrière et se met en route pour la ville.

Donc, le capitaine Crochet de serait échappé de son île et s'amuse à terroriser les couple. De mieux en mieux.

- Arrivés devant la maison de Vicky, cette dernière descend de la voiture et se met à hurler de manière incontrôlable. Thomas se précipite vers elle et découvre ce qui la met dans cet état… accroché à la poignée de la voiture, un crochet sanglant se balance doucement...

Elle a crié pour ça? Nan mais sérieux....

Virgil bouffe sa guimauve tandis que je reste de marbre.

- Alors... t'as peur?

J'ai sérieusement l'air d'avoir peur? Y'a des choses bien plus effrayantes que la mort... Comme le fait de mal vivre dans ce monde.

- Pas trop non. La sortie de Thomas a duré quoi... 30 minutes? Personne à été blessé, la fille chiale pour rien: ça me fait pas trop peur, désolé.

Je soupire et gobe ma guimauve.

- De toute façon les histoires d'horreur me font pas si peur que ça... J'ai plus peur de ce qui pourrait arriver dans la vrai vie... Comme... Ne plus avoir mon père... Ne pas savoir quoi faire de ma vie ou être bloquée... Ne pas arriver à m'en sortir ou encore... (Je soupire.)Me retrouver avec des connards de profiteurs dans la vie.

Je pince un sourire et pique une autre guimauve sur mon bâton.

- Bref, tous les trucs déprimants de la vie qu'on aimerait pas qui nous arrive.

Je me sens pas capable. S'il m'arrive de tout perdre, je me sentirais plus la force de vivre. C'est ça qui me fait peur. Si un jour je perds tout.
   

Ellie,

Virgil regarda Ellie d’un air vexé. Même pas juste un peu peur? Qu’elle rabat-joie celle-là…

Lorsqu’elle lui raconta ce qui lui faisait vraiment peur, Virgil l’écouta en silence, remettant une nouvelle guimauve sur son bâton.

… À t’entendre, on dirait plutôt que t’as peur de vivre, nota-t-il, d’un ton neutre.

Ce qui lui paraissait être une façon étrange de voir la vie. Autant avoir peur de tout, se dit-il.

Je suis désolé de te l’apprendre, mais si t’as peur qu’il se passe des trucs déprimants dans ta vie, ou d’avoir des connards sur ton chemin, eh bien tu risques d’avoir peur toute ta vie. Ce sont tous des trucs inévitables. On se fait abandonner, rejeter, piler dessus, dit-il, pour n’en énumérer que quelques-uns.

Et pour autant, il faut pas arriver de vivre, non? Virgil n’avait pas vécu ce qu’elle avait vécu, évidemment. Peut-être que sa vie avait été «plus facile» que la sienne. Cependant, il n’arrivait pas à croire qu’elle ait peur de tout ça.

Au travers des flammes, Virgil la regarda, et eut la décence de manger sa guimauve avant de finalement demander :

C’est pour ça que tu prends de la drogue? Pour supporter…

Ton existantce?

— Virgil

   

Peur de vivre?

Peut-être bien. Quand vos premières années de vies sont basées sur un mensonge et un mystère, vous n'avez plus très envie de vivre des choses... Parce que par principe: si votre vie est bancale, tout le reste l'est. C'est logiquement inévitable. Si on pose un verre d'eau tout a fait normal sur une table bancale: le verre d'eau devient aussi bancale, non? Eh bah voilà.

Être désolé ça sert pas à grand chose. Et ça me fait franchement rire. "Je suis désolée de ce qu'il t'arrive". C'est moi qui suis dans la merde et c'est toi qui est désolé? Nan... Ferme ta bouche et ne dit rien. Parce que même si tu es triste pour moi: qu'est-ce que je suis sensé dire à ça?  Rien. C'est ni lucratif, ni productif.

Je fais griller pour ne pas dire "carboniser" ma guimauve avant de la foutre dans ma bouche. Boucle d'or me regarde et je le regarde aussi en mâchant et en avalant ce que j'ai en bouche.

- C’est pour ça que tu prends de la drogue? Pour supporter…

Je hausse un sourcil. Supporter??? Est-ce que c'est un autre mort pour dire "oublier"?  Alors oui... On peut dire que je me came pour oublier... Oublier tous les moments où je me suis trouvée faible, naïve, ridicule ou les trois en même temps.
Luther disait qu'on peut pas empêcher les corbeaux de voler au dessus de nos têtes mais qu'on peut les empêcher de se poser. Eh bah moi je peux pas... Je supporte pas la présence de corbeaux au dessus de ma tête. Alors pour les effacer: il faut ce qu'il faut.

- Je prend de la came parce que ça m'aide à pas penser aux cons... Et aux questions existentielles comme celle là.

Je plante violemment un marshmallow et le fait griller. Après en avoir manger trois autres je pose mon bâton et me lève.

- Merci pour les guimauves et tout le reste. Je vais dormir.

Aucune envie de débattre du sujet. Aucune envie qu'on me donne une solution. La désintox? Ah! Si seulement vous saviez... C'est là que vous voulez le plus mourir. C'est la que vous avez le plus, mal, le plus conscience de votre état pitoyable de camé et le pire c'est que vous en avez tellement rien à foutre parce que vous êtes trop en manque pour vouloir garder un semblant de dignité.  

Vous devez croiser le regard des infirmières, des docteurs... Vous voyez qu'ils doutent de vous... Ils croient à peine en votre rétablissement... Et vos proches... Désemparé, incapable de supporter de vous voir comme ça. Plein de jugement dans les yeux, sans qu'ils le veuillent vraiment. Si vous pouviez changer dans l'immédiat, vous le feriez, mais vous en êtes juste incapable. Personne vous supporte, personne croit en vous... Pas même vous.  

Alors la désintox': non merci.

- Bonne nuit.