&nbsp;manège à trois (philli)

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// manège à trois

Un soir comme tant d’autres. Deux pouces manucurés qui pianotent à toute allure sur l’écran bleuté de son smartphone, un message groupé qui se perd comme une bouteille à la mer. Trois smileys, un point d’interrogation. Nulle besoin de mots quand votre amour immodéré pour les happy hours vous précède. Nulle besoin non plus d’attendre une réponse favorable quand votre ego vous laisse à penser que l’un de vos contacts acceptera (forcément) votre invitation sans la moindre hésitation. Alors, trop enorgueillie, la naïade s’empresse de se dévêtir de son attirail de sirène pour s’envelopper d’une robe vermeille près du corps et quitter son lieu de travail pour le bar qu’elle assiège à minima une fois par semaine.

Déjà fort peuplé, comme à chaque fin de semaine, elle peine à se frayer un chemin parmi les noctambules qui s’agitent entre les tables du Vortex. Et une dizaine de minutes à peine après avoir jeté son dévolu sur la seule table encore restante, les doigts se referment autour d'une coupe aux teintes violines. Une gorgée lui apprend que la boisson, peu importe ce qu'elle fut, est aromatisé aux saveurs du cassis et de la violette. Trois nouveaux messages, trois empêchements. Elle soupçonne les prémices d’un complot, sans s’imaginer un seul instant qu’à toujours prévenir à la dernière minute on puisse se risquer à quelques refus. Suffisance quand tu nous tiens. Son regard s’agite parmi les sombres silhouettes qui l’entoure jusqu’à ce l’une d’elle ne finisse par attirer son attention et que celle qui l’accompagne ne tarde à éveiller la vipérine convoitise qui sommeille en elle.

Quelques sms échangés plus tard, les désistements sont déjà loin et elle se sentirait presque soulagée de ne l’avoir que pour elle. — Entre nous, le seul capable de me séquestrer se tient en face de moi, elle marque une pause, l’invite d’un geste las à la rejoindre en lui tendant la carte du bar, tu aurais peut-être le temps de me donner un cours entre deux dates Wesson ? Ce serait plus judicieux que de recontacter mon mystérieux lycéen, non ?

si elle savait que dans cette mascarade ils sont déjà séquestrés à leur propre sort, enchaînés l'un à l'autre. si elle savait - et peut-être qu'elle le sait déjà, au fond. lui aussi se doute peu à peu de cet étau qui se referme à chaque interaction, celui qui dit qu'il n'y aura plus bientôt plus d'autres issues que celle de se confronter à leurs propres sentiments.
et pourtant après que nefeli lui ait répondu, il s'assoit face à elle dans le bruit mat de son fessier retombant sur le siège. il veut percer ce mystère qu'elle s'efforce de faire paraître et il se devine déjà que c'est pour l'agacer ; la plus frustrante des réalisations est celle qu'il ne peut pas s'empêcher d'y répondre, sinon il ne serait pas là. effectivement, il se retrouve à feuilleter avec agacement la carte, la mine fermée, sans réellement la lire. effectivement il se retrouve à répondre aux gamineries de celle qu'il crie haïr à chaque instant. avoue ça te fait quelque chose l'idée que je te séquestre. ce n'est pas sérieux, ces provocations. il ne devrait pas - et pourtant c'est plus fort que lui.
il éclate de rire quand elle évoque l'idée de lui lui apprenant des choses à elle. les yeux courroucés et sourcils levés exagérément avec moquerie, il s'appuie les coudes sur la table pour se pencher vers la vila. ma pauvre fille, si tu crois que je vais te donner des techniques pour fuir des gars dangereux alors que je serai sûrement amené à te flinguer un jour. c'est te faire une trop belle fleur.

ce rappel vaut aussi bien pour elle que pour lui. il est bon de se remémorer de leur statut social et du danger qui plane et instaurer les distances qu'il y aurait lieu d'être entre eux. ils ne sont pas destinés à s'aimer, ils ne sont pas destinés à se regarder comme philemon aimerait le faire. il y a cette envie de posséder, de tout dévorer pourtant qui ressort et qui lui arrache les tripes à l'idée même qu'elle puisse se laisser envahir par un autre. le poison de leur médiocrité, qu'ils s'injectent quotidiennement par petite dose, leur permet de se tolérer. et il n'est pas question qu'elle soit indemnisée à d'autres maladies du nom d'hommes à long terme, car il désire secrètement qu'elle n'y soit pas exposée tout simplement. arrête avec tes conneries. t'as jamais lu d'histoires de filles qui se font violer par des "photographes" ? il fait les guillemets avec ses doigts. c'est qui ce gars d'abord ? ça me dit rien ta merde. il parle comme si l'évidence-même est qu'il connaît l’entièreté de la ville. il s'appelle comment ? il ressemble à quoi ? t'as des photos de lui ? sa curiosité et sa jalousie lui coûteront, une fois de plus. quand un serveur passe il lui fait un signe de main, et se redresse un peu. je prendrai la même chose que la dame, le machin violet là. toujours avec son ton suffisant et son sourire conquérant.

notes: ma fam // tag: @nefeli leventis

354 words

// manège à trois

Les lippes qui s’étirent bien malgré elle, sa faute à lui.
La faute à Philemon et ses mots comparables à de fines lames acérées. Ses mots qui écorchent les commissures des lèvres de la blonde de sourires importuns, tailladent sa peau laiteuse de fossettes esseulés et dessinent de minces ridules au coin de ses yeux. On dit d’eux qu’ils sont le miroir de l’âme, paraîtrait-il même criant de vérité chez certains, les siens, quant à eux, peinent à dissimuler les revendications de sa chair. Ils hurlent des supplications silencieuses, professent des inclinations inassouvies. Ils la trahissent et saccadent les battements de son coeur à mesure qu’ils lorgnent, las, les traits anguleux du chasseur. À cet instant précis, si ses longs doigts finement manucurés entouraient une dague, elle serait bien capable de se les crever sur place.

— C’est vrai, j’oubliais ce petit détail.

Ou le grand pan d’une histoire qu’ils ne seront jamais amenés à construire ensemble. Si il ne s’agissait pas de lui, si sa fierté ne la forçait pas à l’exécrer du plus profond de son être, elle trouverait ça presque dramatiquement romantique. Elle serait son Hélène le temps d’un soir, Antigone dans l’éternité. Mais il n’y a rien de tout cela entre eux, rien de plus que l’indéniable incompatibilité qui les sépare.

— Non, mais on m’a raconté de sales histoires sur des chasseurs peu scrupuleux scalpant des vily, qu’elle persifle, un air faussement innocent collé au faciès. Elle n’est bonne qu’à ça Nefeli, bien trop douée à laisser découler d’entre ses lèvres charnues le venin qu’il fait se répandre entre ses veines. Elle pourrait lui donner satisfaction en daignant répondre aux interrogations desquelles il l’assaille, mais ce serait lui concéder la première manche. Après tout, c’est elle qui vient de le surprendre avec une parfaite inconnue.
Et la malsaine curiosité qui l’anime quand il s’agit des affaires du blond l’empêche de lui donner raison. — Tu connais pas, laisse tomber, elle avale une gorgée, tente de contenir son impatience, mais toi tu foutais quoi ? Le choix peu judicieux des mots qu’elle laisse filer lui donne de nouvelles envies de meurtre. — J’en ai rien à foutre hein, mais c’est la première fois que je te vois abandonner aussi rapidement l’une de tes p--, les lèvres qui dérapent, conquêtes.
Idiote.

cela faisait maintenant un moment qu'ils se connaissaient. néanmoins il n'a jamais été question de mettre un mot sur leur relation pour les conserver du réel : il n'y aucune raison de se transpercer ainsi et de demeurer désireux de s'incruster dans la vie de l'autre. le déni est là la plus belle des solutions pour perpétuer le petit jeu de celui qui inondera le plus l'autre.

il est inconcevable pour philemon de ne pas contrôler l'identité des plus proches de nefeli.
il est inconcevable pour philemon qu'elle échappe à ses serres acérées pour se lover contre un autre rapace.

la terrible volonté que la flamme ne s'éteigne jamais. à chaque instant ils se menacent mutuellement pourtant d'étouffer le feu, sans jamais réussir à s'y résoudre : la chaleur est trop réconfortante, peu importe si on s'y brûle. il aime l'étourderie jalouse de nefeli mais ne peut pas fuir le fait qu'elle le tuera à petit feu s'ils coexistent trop. quand il la regarde droit dans les yeux, il voit à quel point tout cela est futile et cela rend le dialogue encore plus douloureux.

c'est vrai que beaucoup de choses sont recherchées chez les vily, je pourrais te faire une liste et le fric que tu pourrais me rapporter si je te tuais. et si effectivement, venait ce jour, pourrait-il réellement revendre nefeli en pièces détachées ? il serre un peu des dents en l'écoutant, réalisant la douleur à la mâchoire que cela lui provoque, ce rejet minime. "tu le connais pas." ses épaules sont raides et il se permet un mouvement en arrière pour les forcer à se détendre. philemon théâtral, philemon toujours "extra" qu'ils disent : à cet instant il se retrouve comme un adolescent confronté à des sentiments trop puissants.

il la hait.

c'est la seule conclusion qu'il arrive à en tirer, il la hait car elle a raison : il est parti bien vite ce soir. il la hait car il déteste le fait dont il se persuade qu'elle ne l'aimera jamais de manière authentique, et que lui non plus. il la hait car c'est la chose la plus évidente du monde entre eux, et qu'il finira peut-être par devoir la traîner par les cheveux, et qu'il ne veut pas en souffrir.
elle joue trop dangereusement avec sa propre nature et philemon s'est toujours promis d'être sec sur ses propres idéaux. les wesson ont le devoir dans le sang et il craint que nefeli lui fasse perdre la raison si un jour elle use trop de ses avantages surnaturels. il préfère par confort les timorées, et se réconforte du mauvais caractère de la blonde avec des filles plus nerveuses et maniables.

mais maintenant il doit faire face. tu la connais pas. il reprend exactement ses mots et sourit pour faire mine de mener la danse. détourne pas le sujet nefeli, c'est qui ce gars ? je te laisse pas partir tant que je sais pas. pendant qu'il parle il glisse sa main le long de la table pour choper le téléphone de nefeli. il l'allume et relève le nez, demandant droit au but. c'est quoi ton code ?

notes: il est 5h tout va bien // tag: @nefeli leventis

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// manège à trois

Tu la connais pas.
Durant une fraction de secondes elle peut sentir ses iris azurs transpercer chaque parcelle de son être et se maudit intérieurement. Elle se maudit Nefeli d’avoir stupidement envoyé ce premier sms, se maudit de l’autoriser à exercer un quelconque contrôle sur les battements de son coeur et plus encore d’être uniquement capable de faire preuve de déraison quand il s’agit de lui. Après tout, quelle autre créature serait assez stupide pour s’amuser de la sorte avec un chasseur ?
Mais ce n’est pas un amusement comme un autre, loin de là. C’est un manège savamment orchestré, une traque dont elle a accepté, sans état d’âme, d’être le gibier. C’est malsain, elle en a conscience Nefeli, mais il faut croire qu’elle se plaît dans leurs mensonges éhontés et tire même un certain plaisir à s’animer, gracieuse, dans leur paradis artificiel.

— C’est pas grave dis toujours Phil, elle n’a pas le temps d’enchaîner, son regard se laissant happer par la main du Wesson qui attrape son téléphone négligemment laissé sans surveillance, lâche ça ! Elle ne prend pas la peine de tenter de l’extirper d’elle-même, préférant se contenter de hausser inutilement le ton, ce serait une perte de temps autrement. Elle est bien forcé d’admettre qu’à arme égale, c’est lui qui a le dessus. — Rends le moi, ça ne te regarde pas. Ce n’est pas tant de lui laisser accès à ses sms échangés ou ses photos, aussi intimes puissent elles être, qui la dérange mais plutôt la hantise de voir s’afficher un nom à l’écran. Peut importe lequel, juste un autre nom que le sien.
Et finalement elle en vient à réaliser que c’est surtout pour être capable de faire preuve d’empathie à son égard qu’elle se maudit.

— Je te le demande gentiment…, sa voix se fait plus doucereuse et, à mesure qu’un sourire carnassier s'étire sur ses lèvres, elle se penche légèrement en avant. Elle sent les regards appuyés des quelques autres clients touchés par son champ d’attraction se poser sur elle, mais ce n’est que pour lui qu’elle n’a d’yeux. Tu veux me faire plaisir Phil ? Elle n’est pas capable de le manipuler ou de le forcer à agir contre son gré, même si ça ne saurait lui plaire, uniquement apte à canaliser son attention, à l’enivrer plus que de raison et le contraindre, presque, à ne plus s’intéresser qu’à ses courbes salvatrices. De quoi profiter d’une seconde d’inattention pour dérober son téléphone. — La prochaine fois que tu fais ça, j’enflamme ton bras et je le donne à manger au familier de ma soeur. Et redevenir détestable aussi vite.

l'attention maintenant détournée de celle d'avant, cette fille sans nom ni visage, celle qui ne sera jamais nefeli et qui n'a jamais prétendu l'être, philemon est persuadé d'avoir toutes les cartes en main. face au code, il se met à saisir rapidement : 0000, 1234, 0123 - rien ne fonctionne et ses lèvres se pincent de frustration. il ne prend même plus la peine de lui répondre, complètement absorbé par l'écran et les vibrations qui lui indiquent ses erreurs.

absorbé par le reflet artificiel de ses cheveux clairs sur l'écran noirci, ce sont quelques mots qui lui rappellent une douceur - oui quand il lève les yeux, il subit une transe extatique. il se bourre du miel sucré qu'elle lui propose, il caresse d'une œillade attendrie la chair de nefeli.
elle semble plus inhumaine que jamais.
parce qu'il n'y a plus rien. il ne distingue plus son identité. ses doigts se détendent, adoucissant la prise autour du téléphone. philemon est quiet dans son désir. il ne dit rien pendant que tout glisse, il ne dévore pas mais savoure l'instant, crevant peu à peu d'un diabète évident. tout semble durer mille ans sans qu'il ne puisse reconnaître les yeux qui l'observent.
ou peut-être est-ce là le problème : tout cela lui semble trop familier sans qu'il puisse situer ses appuis. alerte à chacun de ses mouvements sans qu'il ne l'empêche de reprendre son dû. ainsi, nefeli use de la plus grande force qu'elle possède.

vient le moment où il retombe sur terre, où ses muscles se tendent comme un camé à la fois en manque et en overdose - ses iris se figent et il y a une indescriptible colère qui terrasse le bonheur d'auparavant. ce n'est pas tant le fait qu'elle ait récupéré le téléphone, ni même celui qu'elle ait gagné cette péripétie-ci, mais c'est la manière injuste dont elle l'a fait. t'es une sacrée salope. son ton est sec et gorgé par le ressentiment. il se penche à son tour pour entourer de ses doigts le poignet gracile. il serre. tu refais ça je te la fais gober ta boule de feu. il déteste par-dessus tout perdre les moyens.
elle le sait très bien. tu sais que je rigole pas avec toi. ils sont interrompus par le serveur, alors il relâche en envoyant une oeillade noire à la blonde. merci beaucoup. il dit, puis il sirote outrageusement pour
desserrer sa gorge. maintenant tu vas me dire qui c'est ce gars sinon je te brise un doigt. il n'y a plus aucune menace dans ses mots, du moins l'ire est contenue - pas guilleret, juste assagi. il ne détache jamais son regard d'elle. il ne la laissera pas s'échapper tant qu'il ne saura pas, il se l'est promis : cette étape de la discussion a arrêté son envie d'être joueur avec elle.

notes: je sens ce que matin va être une pure soirée // tag: @nefeli leventis

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// manège à trois

Un mot, six lettres et l’amère satisfaction de l’avoir frappé de plein fouet. Amère, car ce n’est jamais si agréable que ça de jouer avec Philemon. C’est souvent à ses risques et périls, c’est prendre celui de subir son courroux de plein fouet et être prête à ce qu’il lui rende la pareille. Quitte à ce que soit outrageusement décuplé ou que ça n’entache profondément sa fierté tout en sachant pertinemment que c’est la même rengaine qui se répète, la même ritournelle, sempiternelle. L’un qui blesse l’autre plus que de raison, l’autre qui surenchérit. Le premier bien incapable de s’arrêter là et le second, trop aveuglé, se laissant happer à son tour. C’est malsain au possible, souvent à la limite du grotesque. Et parfois, elle voudrait cesser leur manège incessant Nefeli.

Elle voudrait être capable de contenir les ressentiments qui cavalent le long de sa jugulaire, temporiser l’agitation de son myocarde et cesser d’être aussi désinvolte pour mieux se montrer raisonnable. Mais si il y a bien une personne ici bas capable d’attiser sa déraison, c’est lui et lui seul. Et bien souvent, elle n’a d’autre solution que s’abandonner toute entière à l’embrasement qu’il fait naître en elle.

Pourtant ce soir les choses résonnent différemment et, à mesure qu’il enserre son fragile poignet, son appétence à se jouer de lui diminue, laissant place à un sentiment qui lui sied guère. Ou tout du moins duquel elle n’est pas familière, savant mélange de remords et d’inclination inavouée. — Lâche moi. Ou pas. Peut-être que c’est tout ce dont elle a besoin, peut-être que le contact de sa chair contre la sienne lui est nécessaire à réaliser qu’à ce jeu ce sont les vily comme elle qui ont le plus à perdre. — Et ça va t’apporter quoi Phil de toute façon ? À son tour elle ne le quitte plus du regard et, durant quelques secondes, est capable d’entrevoir que du sien, il a cessé de jouer. — Si je suis qu’une salope ça t’apporte quoi de savoir qui je fréquente ? Elle ose la question qui brûle ses lèvres depuis qu’il la rejoint. — Je compte pour toi c’est ça ? Elle ose même avouer dans un demi sourire, sa pleine vérité. — Si c’est le cas, c’est plutôt minable pour un chasseur. Sourire moqueur cette fois.
Jusqu’à oser retomber dans ses travers. Parce qu’elle le sait, Phil est con. Beaucoup trop con pour les délivrer de ce jeu pervers.